Cannabis au volant : la cour de cassation rappelle que le délit est constitué quel que soit le taux d’imprégnation.

Contrairement à l’alcool dont le taux d’absorption détermine l’étendue des sanctions pénales à l’égard de l’automobiliste en infraction, l’usage de stupéfiants, dont le cannabis, suffit à lui seul à constituer le délit et à entraîner automatiquement les poursuites. Pourtant, c’est sans relâche que nous autres avocats nous évertuons à démontrer aux juges, quand tel est le cas bien évidemment, que notre client, le prévenu, au moment du contrôle par les forces de l’ordre, qu’un accident de la circulation se soit produit ou non, était parfaitement conscient et cohérent. Qu’ainsi, ce que l’on nomme l’ivresse cannabique et qui entraine perturbations de la perception du temps, des distances, de la mémoire, de la vision, de l’ouïe, n’affectait pas alors notre client. Qu’au moment du contrôle, le cannabis consommé plusieurs heures avant n’était plus actif et que les tests psychomoteurs et psychologiques n’ont permis de démontrer aucune anomalie telle que , par exemple, des troubles de l’équilibre ou un état anormal d’excitation ou au contraire d’apathie. Qu’enfin, le dépistage n’a abouti qu’à un taux de THC relativement faible pouvant démontrer l’absence d’influence du cannabis sur le prévenu.

Dans une affaire jugée en appel, une cour avait été séduite par ce type d’argumentation et avait relaxé l’automobiliste poursuivi. Le Procureur Général avait alors saisi la Cour de Cassation d’un pourvoi. Dans un arrêt en date du 3 octobre 2012, la Chambre criminelle rappelle la force de l’article L. 235-1 du code de la route selon lequel , premier paragraphe: « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende ».

La Cour d’appel avait prononcé la relaxe aux motifs que : ‘ M. X… a reconnu sur question avoir fumé la veille. Son analyse sanguine a révélé un faible taux de THC-COOH-3, 2 Ng/ ml, ce qui conforte son assertion. Mais il montre surtout, parce qu’inférieure à 20 Ng/ ml, qu’il n’était plus sous l’influence du cannabis. Par voie de conséquence et au vu des considérations qui précèdent, il convient de relaxer M. X… des fins de la poursuite ‘.

La Cour de cassation a tenu à rappeler sans la moindre équivoque que l’article L. 235-1 du code de la route incrimine le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants dès lors que cet usage résulte d’une analyse sanguine. « Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de conduite d’un véhicule par conducteur ayant fait usage de stupéfiants, l’arrêt énonce que celui-ci, qui présentait un taux d’acide tétrahydrocannabinol-carboxylique dans le sang inférieur à 20 nanogrammes par millilitre, en l’espèce 3, 2 nanogrammes par millilitre, n’était plus sous l’influence du cannabis au moment du contrôle; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé. »

En conclusion, si l’on s’essaye à pasticher grossièrement la phrase célèbre « peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse », on pourra conclure que, en matière de répression de la conduite sous influence de stupéfiants, la règle applicable est : « peu importe le taux, pourvu qu’on ait la trace… ».

Par Alain DAHAN – Avocat | 19-11-2012

Source : juritravail.com

Auteur: Philippe Sérié

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