Le Ravi : Du bio, du bon, de la beuh ! Yes we can(nabis) ! le 10/09/2015

Consommateur, cultivateur, revendeur, connaisseur, rencontre avec Yep, cannabiculteur.

« Un pseudo ? Mes potes me surnommaient Yep… » Les yeux bleus, la barbe grise et le visage émacié, il flirte avec la quarantaine. Et la légalité. Car, au regard de la loi, Yep est un dangereux délinquant. Que les militants de la dépénalisation considéreraient comme un cannabiculteur qui a le bon goût de dépanner ses potes. En effet, Yep, non content de cultiver du cannabis, en vend.

Apprenti-comptable et bénévole multicarte, il y voit «  un moyen comme un autre pour s’assurer un revenu complémentaire. Enfin, plutôt de base…  » Non qu’il ait particulièrement la main verte : «  J’ai appris sur le tas. En suivant les conseils qu’on trouve sur le net. La première fois que j’ai cultivé, c’était en 2000-2001. Mais c’était surtout pour moi et mes potes. J’en avais tout simplement marre de fumer de la merde !  »

Ce n’est qu’en 2011 qu’il a repris du service : «  Avec, d’emblée, une dimension financière. Mon compte était à sec. Il fallait que je fasse quelque chose.  » Cultivant en placard, grâce à des variétés commandées sur internet et à la lumière artificielle de lampes de 800 watts, il obtient chaque année 6 récoltes donnant environ 500 grammes chacune : «  Alors qu’en cité, les prix peuvent grimper à 10-15 euros, je fais le gramme à 5 euros. Mais je ne vends qu’à mon entourage. En m’arrangeant toujours pour avoir une ou deux personnes qui m’en prennent une bonne quantité. Ça évite d’avoir du stock. Et de voir défiler les gens à la maison juste pour ça.  »

De fait, Yep n’en est pas à son coup d’essai. «  J’ai vendu pas mal de choses dans ma vie. Plus jeune, il m’arrivait de revendre du shit acheté en cité. Je ne me suis jamais fait pincer. Mais je n’étais pas non plus très doué pour les affaires…  » Aujourd’hui, il donne à son activité «  une dimension quasi politique. Ça permet d’éviter de financer des réseaux, des mafias. C’est du circuit court. Avec une attention toute particulière à la qualité du produit. Je vends une herbe bio, de bonne qualité. Et pas chère.  »

Ayant «  goûté à toutes les drogues  », le cannabis est pourtant loin d’être ce qu’il préfère. D’où quelques conseils qu’il prodigue «  lorsqu’elle est un peu forte  ». Et il reconnaît sans peine que sa consommation puisse être problématique : «  Je suis bien placé pour le savoir. A une époque, je fumais du matin au soir ! J’étais comme dans un scaphandre. Je passais mon temps à regarder du basket à la télé ou à jouer à la console. J’avais une vie passionnante…  »

Il n’en est pas moins un fervent défenseur de la légalisation «  ou, à minima, de la dépénalisation. Comme au Portugal, qui a compris que la répression était inefficace et qu’une journée de prison ou en cure de désintox, ça coûte le même prix. Ils ont décidé de dépénaliser l’usage de toutes les drogues. Résultat : alors que c’était un des pays où on comptait le plus de toxicomanes, leur nombre a depuis chuté.  »

Il ne croit cependant pas à un changement en France : «  D’abord parce que, sans parler des bonnes relations entre la France et le Maroc, on est dans un pays assez sécuritaire. Mais surtout parce le shit représente une manne financière non négligeable dans les cités. Vu les niveaux de chômage, ça m’étonnerait que l’Etat s’en prenne au marché noir…  »

Sébastien Boistel

Source : http://www.leravi.org/spip.php?article2119

Auteur: Philippe Sérié

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