Carnet de Voyage de Soeur Rose en Amérique du Sud 2014

Carnet de Voyage de Soeur Rose en Amérique du Sud

 

Reçu le 3/02/2014 – de notre envoyée Soeur Rose en Argentine.

Carnet de Voyage – Episode 1 

J’ai décidé de faire un voyage de 6 mois en Amérique du Sud, et Fabuleuse Fabienne (Notre exquise présidente) m’a proposé de tenir un petit carnet de voyage pour vous raconter ce qui s’y passe autour du cannabis en général et du cannabis thérapeutique en particulier.

 

Je suis arrivée en Argentine, il y a deux mois. J’ai la chance d’être hébergée à La Plata chez des gens magnifiques, Billy et son père Stefan. Stef est un activiste trans’ que j’ai rencontré il y a plusieurs années durant les UEEH.

 

L’Argentine est un pays très politisé. Dès mon premier jour, j’ai croisé des manifestants qui bloquaient une place avec des feux de pneus (méthode traditionnelle de manifestations ici, oui c’est très écolo). Les tags politiques sont légions sur les murs des villes et parler de politique semble être une deuxième nature dans ce pays. Il n’est pas rare d’entendre des gens argumenter très vivement lors de soirées entre amis. Et si vous souhaitez mettre un peu d’ambiance, il suffit de lancer une discussion sur Peron.

 

En Argentine, le cannabis reste illégal. Sa possession en petite quantité est dépénalisée mais ni sa consommation, ni sa cultivation, ni son commerce ne sont légaux et peuvent vous mener assez vite en prison. A la vente, le cannabis se trouve sous deux formes principales appelées « Flores » et « Paraguaya ».

 

Les flores, comme son nom l’indique, sont les fleurs de cannabis. Il peut s’agir de fleurs entières comme de miettes de fleurs mélangées à des branches et des graines. Elles sont souvent issus de productions familiales, dont une petite partie est vendu au cercle d’amis pour dépanner et acheter du matériel pour continuer à faire pousser. On dit qu’en Argentine, il suffit de jeter une poignée de graines pour que six mois plus tard, apparaissent une forêt. Ainsi la plupart des consommateurs réguliers font pousser en famille dans le jardin.

La Paraguaya désigne du cannabis qui a été séché puis compressé. Originaire du Paraguay, elle est vendu par les trafiquants.  Son prix est bien plus bas, entre 100 et 200 pesos argentins les 25 grammes (soit en 10 et 20 euros environ) et sa qualité aussi. Souvent très sèche, cette forme est la plus facile à acheter. Il faut la passer dans un grinder (aussi connu ici sous le nom de Pikachu) pour en tirer une poudre de la plante plus ou moins fine. Généralement, c’est plein de graines et ce n’est pas très sympa à fumer, mais ça fait souvent l’affaire.

Au grè de mes rencontres avec des fumeurs et des activistes, j’ai essayé de savoir s’il existait des mouvements qui militaient pour le cannabis thérapeutique. A chaque fois, on m’a regardé avec des yeux grands comme des cônes. Visiblement, la dimension thérapeutique de notre plante préférée est loin d’être connu. Si des mouvements pour la légalisation existent, aucun ne fait mention d’une quelconque utilisation médicale. Et même après de longues recherches sur les différents sites internet existant en Argentine, je n’ai rien trouvé sur le sujet.

Ici, le cannabis se consomme dans des joints roulés sans tabac ni carton. On le fume pur et jusqu’au bout. Il est curieux de constater à quelle vitesse peut être fumer l’essentiel du pétard tandis que la fin va pouvoir être rallumer un nombre incalculable de fois. Comme il n’y a pas de filtre et qu’on ne veut pas gâcher, on fume tout, quitte à se bruler les lèvres.

 

Lors d’une de mes premières soirées, j’ai fait la rencontre de Tomi, la vingtaine, avec une longue chevelure blonde faite de dreads qui n’aurait pas laissé indifférente ma Soeur Mystrah (rien qu’en lisant la description, elle a eu un orgasme capillaire, si ! si ! je vous jure). Chez Tomi, tout le monde, ou presque, fume. Alors, sa famille fait pousser dans son jardin quelques plans d’une Indica des plus agréables. Mais leur particularité est de mélanger leurs fleurs avec des grains de lavande. Je ne connais pas les propriétés de la lavande fumée, mais je peux vous dire qu’elle parfume très agréablement.

 

J’ai hâte de tenter l’expérience au vaporisateur. Voici donc un premier aperçu de mon aperçu dans ce pays d’un bout du monde. La prochaine fois, je vous parlerai de mon nouvel an et de la rencontre avec un drôle de village.

Allez, je vous embrasse sur les deux joues de votre choix,

Amour, Paillettes et BootyShake, Soeur Rose de la Foie de ta Mère.

 

Carnet de Voyage – Episode 2

La Légende de Villa Ruiz

Pour le réveillon, le hasard fit que des amis parisiens se trouvaient dans la région de Buenos Aires. Fred a vécu ici pendant quatre ans, il est venu en famille, pour les fêtes et des anniversaires, ils sont six.

 

Les sachant toujours enclin à la gaudriole, il semblait évident que nous devions célébrer cette nouvelle année de concert.

 

Je pris donc le bus, en compagnie de mon Elfe, un ami exquis qui partage ce voyage avec moi, en direction de Lujan.

 

Première (grosse) déception, en arrivant dans la ville, nous découvrîmes que Lujan était la capital de la foi. Queuha ? Comment ? Ce n’est pas Lourdes ? Nous aurait-on menti ? Ah, ces catholiques, ils ne nous décevrons jamais !

 

A peine, arrivé, nous apprenons que la soirée se passera à quelques kilomètres de là, à Villa Ruiz.

 

Une paella est organisée sur la place de ce petit village. Les rues ne sont pas toutes goudronnées, les arbres sont encore en fleurs et la fin d’après midi de ce dernier jour dégage une douceur irréel. Il fait bon, l’air est léger, comme un début d’été. Ah mais c’est l’été !

 

Je vous ai déjà dit que l’Argentine est très politisée. A Villa Ruiz, la réflexion est mené par Cristof, grand gars sympa, c’est lui qui organise la paella et il se bat pour faire vivre le coin, histoire qu’il y ait autre chose à faire que boire et conduire des quads trop vite.

 

Cristof est un ami de longue date de Fred, ils ont fait un sacret paquet de choses ensemble, on dirait des frères.

 

Il y a quelques années, Fred a envoyé à Cristof un petit mélanges de diverses graines. On dit qu’en Argentine, il suffit de jeter une poignée de graines par terre pour que pousse un champ. Et bien, c’est vrai.

 

A peine arrivé, Fred nous emmène admirer les plans issus de la deuxième génération. De belles bêtes dépassant les deux mètres règnent sur une potager aux milles couleurs. L’air est épicé, nous nous asseyons à côté de la piscine pour boire un premier verre. (Bon, j’arrête de faire connasse ici, promis, je sais que c’est l’hiver en France)

 

Quand la soirée commence, nous nous installons à l’une de tables sur la place. La paella chauffe, la musique tonne, et Cristof offre à chacun de nous, une jolie tête de sa dernière récolte.

 

Tête fort salvatrice s’il en est, car le problème de La Plata, c’est que pendant les fêtes, tout le monde va à la plage à quelques 500 kilomètres de là et il n’y a plus un dealeur en ville même pour vous vendre un bout de pneus ou un petit mélange de graines et de branches, rien, nada, nichts. Ils sont tous en mode « vamos a la playa » et toi, tu en viens à re-rouler toutes tes fins comme la dernière des crackwhores.

 

Nous commençons à parler de son combat pour la légalisation. La police du coin est plus ou moins au courant que certaines personnes font pousser de la marijuana dans leur jardin, une certaine tolérance existe. Il ne s’agit pas ici de faire du commerce, mais de faire pousser pour soi, sa famille et ses copains. Ici, l’important, c’est de partager. On fume assez peu seul, comme les pétards sont purs et sans tabac, il faut souvent un peu d’aide pour en venir à bout.

 

Cristof m’invite à participer à la Marche Mondiale du Cannabis qui aura lieu le 4 mai prochain sur la fameuse Plaza de Mayo à Buenos Aires.

 

Une fois de plus, je tente d’aborder le sujet du Cannabis Thérapeutique. Cristof semble un peu plus au courant que toutes les autres personnes interrogés jusque là. On discute des avancées de la recherches sur le sujet. Il dépanne souvent un ami séropositif au VIH.

 

Il me parle aussi des jeunes du coin qui y trouvent une source d’énergie et d’intérêt. Cela les attire vers les questions d’environnement, d’écologie, et bordel, y’a du boulot en la matière. Près de 60% de l’agriculture argentine est pourrie par Monsanto, c’est vous dire l’étendu du problème.

 

Une fois 2014 arrivé, les jeunes du villages allume une espèce de barreau de chaise bien trop turgescent pour être honnête. J’en ai vu des grosses, mais des comme ça, jamais !

 

Mon Elfe, toujours le premier dans les bons coups, se jette alors dessus comme la vérole sur le bas-clergé breton. Nous savourons avec délice, et sans tousser, s’il vous plait. Au moment de continuer à faire tourner ce qui ressemble à la bite du Diable, le plus fait des jeunes (et l’un de plus beaux, ce qui ne gâche rien) se met faire des petits sauts de loutre amoureuse devant nous : « C’est moi qui l’ai fait pousser, faut que vous veniez faire le contrôle »

 

Et nous voilà, marchant dans un village désert, en compagnie de ce qui sont, très honnêtement, les deux plus beaux morceaux de la soirée (un châtain torse nu avec un sourire et des yeux qui crient « culotte » et un brun nerveux à la peau encrée et à la lippe aguicheuse). Là, on s’est quand même dit que nous pourrions raconter n’importe quoi, personne ne pourrait le vérifier. « On pourrait dire qu’on a fait une orgie avec eux » Mais la réalité fût bien plus intéressante !

 

Nous traversons la maison de l’un d’entre eux. Maman est là avec sa mise en pli, tout ressemble à une copie en moins chère de ses pavillons de banlieue américaine. Dans le jardin, notre hôte allume une petite lampe torche et la pointe sur deux beaux plans d’un mètre cinquante dans des pots.

 

Nous admirons, guère impressionner, l’Elfe les trouve même discret.

 

Le faisceau lumineux se décale alors de quelques mètres,  et nous découvrons un arbre à marijuana !

 

Oui, un arbre. Un truc monstrueux, de trois mètres de haut, avec des tuteurs et des cordages pour qu’il pousse comme un cône. On se croirait dans le jardin de Versailles tellement c’est beau et bien fait.

 

Une dizaine de plants sont ainsi plantés dans la terre. Allant de 2 mètres 50 à 3 mètres 50. Nous sommes estomaqués.

 

La tige centrale ressemble à un tronc d’une dizaine de centimètres. Je dis ça au pif, mais c’est vraiment gros, je n’ai jamais vu ça.

 

Ravis de leur effet, nos deux compères se marrent comme des baleines. Ils nous invitent à revenir pour gouter la récolte en Mars/Avril.

 

On rejoignit les autres en titubant un peu. La fête battant son plein. Les plus jeunes ont quelques mois, la doyenne n’à que 94 ans, mais à trois heures du matin, elle apprend encore à l’Elfe à danser en rythme. Des melons remplis d’alcool tournent, on nous explique que c’est « naturale ». Evidemment.  Il y a quand même des moments où je suis heureuse de ne pas boire d’alcool.

 

Quand, le surlendemain, nous sommes rentrés dans notre villégiature de La Plata, nous n’en revenions toujours pas.

 

Comment une poignée de graines envoyées de Paris deux ans auparavant avait pu donné ainsi autant de plants en si peu de temps. Comme tout un village s’était soudainement à la culture et à quel point cela pouvait le changer.

 

Comment quelques plans de marijuana pouvait redonner un second souffle de vie dans un village perdu dans la province de Buenos Aires.

 

Je me souviendrai longtemps de ce que m’a dit la petite abuela de 94 ans : « C’est ça qui est important en Argentine, c’est de faire la fête ensemble, être tous ensemble et danser »

 

La prochaine fois, je vous raconterai l’arrivée en Uruguay, sous des pluies tropicales et en pleine nuit dans une petite maison des plus agréables où, pour l’instant, on a plus l’impression d’être dans le Venise de la weed, qu’autre chose.

Je vous embrasse sur les deux joues de votre choix,

Amour, Paillettes et BootyShake, Soeur Rose de la Foie de ta Mère

 

Dans quelques jours, je saute dans un bateau pour me rendre en Uruguay. Ce petit pays est le premier au monde à avoir légalisé le commerce, la vente et la production de cannabis. La loi a été voté par le Sénat en Décembre et devrait rentrer en application d’ici au mois d’Avril. Ce sera l’occasion de rencontrer des activistes et d’en savoir plus sur ce qui va changer, sur les attentes et la situations des malades se soignant avec du cannabis.

Canet de Voyage – Troisième Episode

 

Le pays où les garçons et les filles sentent les fleurs et la liberté.

En allant en Uruguay, je voulais vous parler de la fameuse loi qui légalisera en Avril la production et la consommation de cannabis. Mais j’ai eu un tel coup de foudre pour ce petit pays, que j’ai décidé de vous le présenter d’abord.

Il n’y a qu’une petite heure de bateau entre Buenos Aires et son antoville uruguayenne, Colonia.

Le contraste ne saute pas immédiatement aux yeux. Quand on sort du port, on pourrait être encore en Argentine.

Par les fenêtres du bus qui m’emmène vers Montevideo, on voit ce qui pourrait être un bout de Bourgogne avec des champs, des petits vallées au milieu de petites collines.

Une fois dans la capitale, encore un bus pour se rendre là où nous allons dormir pendant quelques jours, à une quarantaine de kilomètres là.

La nuit dessine les contours de ses banlieues universelles que l’on voit à Los Angeles, Beauchamp dans l’Oise ou en Uruguay donc.

Rien de particulièrement excitant. Et pourtant, déjà, cette tranquillité, cette douceur émane.

Nous arrivons après plusieurs jours de pluie torrentielles ; les gens sont inquiets, c’est leur premier été pourri. L’Uruguay n’est pas un pays tropical mais depuis deux mois, on se croirait au Brésil. Les rues de notre quartier, déjà noyé dans la luxuriante nature d’un bord de mer, sont explosées par les pluies. Venise peut aller se rhabiller, pour accéder à la maison, pas d’autres choix que de virer les chaussures, retrousser les pantalons et avancer dans une sorte de petite tourbière rougeoyante.

C’est là que nous faisons la connaissance de Lala et d’el Russo. Un peu hippie, un peu fou, merveilleux surtout. Lala a construit sa maison ici, en bois, en truc, en tout. Il y a dix ans, quand elle est arrivée, il n’y avait personne ou presque, juste de la nature qui déborde. Aujourd’hui, c’est un vrai quartier, avec ses rues, ses blocs (qu’on appelle Manzana), ses maisons. Certains squattent, d’autres payent des taxes.

A peine assis, el Russo me tend sa boite à marijuana et des feuilles. Il fait pousser, ses voisins aussi. On dirait une belle indica élevée en pleine air. Et là, première blague. Les feuilles uruguayennes sont jaunes avec un bel emballage coloré. Très bien. Mais elles ne collent pas. Non, pas comme des feuilles de mauvaise qualité, elles n’ont juste pas de colle. El Russo m’explique qu’il faut de la salive bien épaisse d’uruguayen pour les faire tenir. Sans doute. Mais avec ma salive poulbéenne, j’ai juste l’air conne. Vous me direz, c’est pas plus mal, parce qu’avec l’humidité ambiante, mes feuilles sont toutes collées les unes aux autres. Deuxième blague.

Ici, comme en Argentine, on fume pur. Le tabac, c’est mauvais pour la santé. Sous l’escalier de la maison où nous dormons, el Russo nous sort un autre pot de pot (jeux de mots pour nos amis québécois, c’est gratuit). Une sativa très douce, très agréable pour la journée.

Cet endroit est magique. La bienveillance se respire.

Un jour, nos hôtes décident de nous emmener à Santa Lucia del Este, là où ils travaillent. Ils ont un petit bar de plages où ils vendent des gâteaux et surtout des alfajores fait maison, un petit jésus en culotte de velours comme dirait feu dame ma grand-mère.

Là, sous un ciel époustouflant aux nuages imposants, nous rencontrons Graciela, la mère de Lala. Elle vécu en France quelques années, fuyant la dictature en Uruguay. Elle parle d’une voix douce, elle ressemble à toutes les mamans du monde. La question me brûle les lèvres.

« Graciela, que pensez vous de la loi qui légalise consommation et production de marijuana ? »

La réponse fuse, comme une évidence.

« Mais c’est très bien. Il était temps. Il faudrait même légaliser toutes les drogues. Arrêtons avec les hypocrisies. »

Je suis sur le cul. J’aurai pu m’attendre à cette réponse de la part des jeunes, de militants ou même d’hippies un peu allumé. Pas d’une mère de famille qui fait des milanaises de poissons et des tartes au citron comme personne.

C’est le genre de position que je défends habituellement. Et de l’entendre de la bouche de Graciela m’emplit le cœur de bonheur. Quel curieux pays.

Cependant, si loi est perçu comme nécessaire et bonne par la plupart des gens que j’ai pu rencontrer, beaucoup attendent de voir la loi à l’épreuve du temps.

Car elle soulève de nombreuses interrogations. Il faudra s’enregistrer pour pouvoir faire pousser jusqu’à six plants chez soi ou pour acheter des fleurs en pharmacies.

Nicolas, trentenaire de Montevideo, se demande par exemple ce qui pourrait se passer si un prochain gouvernement décidait de revenir sur la loi. Il aurait à sa disposition un fichier de consommateurs et d’auto-cultivateurs ainsi que leurs habitudes de consommation. Et cela fait peur. Un peu. Quand même.

El Russo et Lala, qui font pousser de belles jeunes filles derrière leur maison, ne semblent pas encore prêt à s’enregistrer. Peut-être le feront-ils plus tard, mais pas dès avril, en tout cas.

Car la loi n’est pas encore en application, malgré ce qu’un promenade dans les rues de Montevideo peuvent laisser penser.

Trois choses sont frappantes ici :

* Les hommes sont très très très beaux. Une forme de classe naturelle se dégage d’eux, sans l’habituelle virilité tapageuse à laquelle on peut s’attendre en Amérique du Sud.

* 1 personne sur 4 croisée dans la rue a son maté dans la main et le thermos sous le bras.

* Mais…Mais… Ça sent la drogue partout !!!!

Dès notre premier soir, alors que nous rentrions avec mon elfe après une journée de promenade entre la vieille ville et le front de mer, deux filles assises sur un banc en prenant le maté nous adressent la parole. On ne comprend rien, elles parlent beaucoup trop vite – pensez vous – mais elles semblent assez baba pour qu’on leur demande où se trouve le quartier gay.

Il n’y en pas. C’est pas grave, une demi-heure plus tard, nous nous retrouvons dans un parc avec leurs amis. Une folle flamboyante, un jeune couple uruguayo-québécois, elles, deux charmants goudous en couple et nous. Partageant allègrement maté, anti-moustiques et porro.

Ainsi, nous avons passé de nombreuses journées à lire dans ce parc, en regardant passer les garçons et en partageant pléthore de pétards en compagnie de parfaits inconnu-e-s.

Vous me direz, ça reste gentils, des jeunes qui fument dans un parc, pas de quoi briser deux cornes à une licorne. Mais quand vous croisez des ouvriers qui font une pause dans leur chantier pour en fumer sur le trottoir, ou des petits vieux assis devant chez eux, en écoutant la radio, dans un hâlo de fumée parfumée, vous vous frottez les yeux pour être sûr de ne pas halluciner.

Jusque sur les murs de la vieille ville, cette douce tranquillité de vivre se promène. Entre les maisons colorées et quelques grands immeubles moches, se dessine sur un mur, la diversité sexuelle. Une fresque pour parler de discrimination, se souvenir de la déportation et, si vous faites attention, une sœur vous exhorte à la tentation !

Je vous bise sur les deux joues de votre choix,

Soeur Rose – Santa Lucia del Este

 

Carnet de Voyage – Épisode 4 

 

La fameuse loi Uruguayenne.

Chose promise, chose dûe – Voici une tentative de ma part de vous expliquer plus en détails la loi uruguayenne. Votée définitivement le 10 décembre 2013 par le Sénat Uruguayen, elle a été ratifiée par le président, José « Pépé » Mujica.

J’ai puisé mes sources dans diverses revues cannabiques (THC et Haze pour les plus importantes)

La loi de régulation de la production et de l’accès au cannabis se développe en 5 volets majeurs et en la création de deux organismes d’Etat.

L’Institut National des Graines – Instituto Nacional de la Semilla – INASE

Son rôle est de contrôler les graines utilisées, il fera aussi office de registre des cannabiculteurs particuliers.

L’Institut de Régulation et de Contrôle du Cannabis – Instituto de Regulaciòn y Control del Cannabis – IRCCA

Son rôle sera de :

–      Surveiller toutes les activités tournant autour du Cannabis (Plantations, cultivation, récoltes, production, etc…) afin d’éviter tout trafic.

–      Promouvoir et proposer des actions et campagnes pour réduire les risques associés à l’usage problématique du cannabis.

–      Fiscalizar…

Les 5 volets de la Loi :

–      Cannabis pour la consommation personnelle.

Auto-culture : Les usagers pourront cultiver jusqu’à 6 plants chez eux pour une récolte annuelle d’environ 480 grammes. Ils ne pourront cultiver que des variétés enregistrées à l’INASE, auprès duquel, ils devront s’être préalablement enregistrés. Techniquement, cela est déjà légal, il suffisait d’attendre 10 jours après l’approbation de la loi par le président.

Club de membres : Les usagers pourront également se réunir dans des clubs, à l’image des Cannabis Social Clubs en Espagne. Pouvant réunir de 15 à 45 membres pour une plantation allant jusqu’à 99 plants et une récolte de 480 grammes par an et par personne. Les clubs calculent le cannabis nécéssaire pour la consommation de leus membres et se répartissent entre eux les différents coûts inhérents (Location d’un lieu, salaire du ou des cultivateus, matériels pour cultiver…). Les récoltes sont ensuite distribuées entre les membres. Les Clubs sont à but non-lucratif exclusivement. De même, les variétés cultivées ainsi que les Clubs doivent être enregistrés auprès de l’INASE.

Les premiers clubs ouvriront leurs portes le 10 avril 2014

Pharmacies : Les usagers pourront aussi, tout simplement, achetés leur cannabis dans toutes les pharmacies du pays. A raison de 40 grammes par mois. Il faudra cependant disposer d’une carte personnelle et non transmissible émise par l’Etat et disponible uniquement pour les Uruguayens et les résidents permanents.

Le cannabis vendu en pharmacie sera acheté par l’Etat à des entreprises ayant une licence de production. L’Etat fixera les prix et mettra le cannabis à la disposition du réseau de pharmacies du pays. Les prix seront volontairement accessibles à tous pour couper l’herbe sous le pied aux narcotrafiquants.

L’argent récupéré par la vente servira à financer l’IRRCA.

Il faudra attendre les premières récoltes avant d’en trouver en pharmacies soit septembre 2014.

Sanctions : En cas de dépassement des quantités autorisées dans le cadre de l’auto-culture ou des Clubs, l’excédent sera détruit et les contrevenants s’exoposent à des sanctions judiciaires et administratives : amandes, retrait de la licence du clubs. Une peine de 20 mois à 10 ans de prison est également prévu en cas de trafic.

–      Le Cannabis Thérapeutique.

Les patients se traitant avec du cannabis pourront se faire prescrire les quantités nécessaires auprès de leur médecin traitant. Ils ne seront pas soumis aux mêmes restrictions de quantités. Le cannabis ainsi délivré sera considéré comme n’importe quel médicament, avec les mêmes conditions de remboursement.

La culture de cannabis dans le but d’élaborer différents médicaments et la recherche scientifique  seront autorisées et placées sous le contrôle du Ministère de la Santé.

–      Le Chanvre Industriel.

Le chanvre était jusque là illégal en Uruguay. Dorénavant sa culture est autorisée. Comme il s’agit de cannabis non psychoactif, contenant moins de 0,5 % de THC (tel que le décrit la loi), sa régulation sera à la charge du Ministère de l’Agriculture.

–      La prévention

La loi comporte un volet prévention important. L’argent économisé par l’arrêt de la poursuite des consommateurs et auto-cultivateurs, comme celui récupéré par la vente de cannabis en pharmacies, servira à la prévention de « l’usage problématique des drogues » et à la création de dispositifs de soins et de conseils (sic) pour les usagers rencontrant des problèmes avec leur consommation.

Il sera mis également en place, une politique de prévention visant directement le système scolaire. Celle-ci ne visera pas uniquement le cannabis mais l’ensemble des substances pouvant causer des addictions. L’angle choisi sera celui la réduction des risques.

Plutôt que de diaboliser les différentes substances, une présentation honnête des risques potentiels sera faite.

–      Les graines

La vente de graines est aussi autorisées mais elles devront être enregistrées à l’INASE. Pour importer des graines non enregistrées, il sera possible de demander une autorisation préalable.

Ce point pourrait prêter à quelques levées de sourcils, je vous le concède, il est pourtant capital.

Avec l’annonce de la loi, la délicieuse compagnie Monsanto a tout de suite proposé d’importer des graines de cannabis OGM – Round Up Ready. Heureusement, ils se sont mangés une fin de non-recevoir de la part des autorités.

Le but n’étant pas de faire du profit avec cette légalisation, mais de permettre l’accès à une plante de la meilleure qualité possible.

Lucia Topolansky, sénatrice du Frente Amplio, parti au pouvoir, et première dame du pays a ainsi déclaré au magazine argentin THC : « Nous voulons donner les meilleures graines possibles aux cannabiculteurs »

 

D’ailleurs, quand on demande à Lucia Topolansky, parmi les différentes façons d’obtenir du cannabis, laquelle elle préfère, elle répond « Les clubs, car ils produisent quelque chose de très intéressant : de la solidarité »

Pour l’instant, les Uruguayens que j’ai pu rencontrer, même s’ils saluent tous l’arrivée d’une telle loi, restent encore septiques et attendent de voir ce que cela va donner dans les faits.

Peu de cannabiculteurs semblent enclins à s’enregistrer immédiatement. Et nombreux sont ceux qui vont attendre le résultat de la prochaine élection présidentielle qui aura lieu dans le courant de l’année 2014. Car si la droite repasse au pouvoir, pour la première fois depuis 10 ans, il y a une crainte qu’elle revienne sur la loi et en profite pour harceler les personnes qui se seront déclaré cultivateurs ou même simple consommateur.

Durant les débats, la droite fut évidemment très virulente, préférant souvent l’esclandre au débat d’idée. Tandis que la gauche a appuyé son argumentaire avec une foultitude d’études et d’enquêtes, à tel point qu’elle s’est vu parfois reproché de vouloir noyer le débat sous des tonnes de papiers.

Lors du débat au Sénat, le Sénateur de droite Bordaberry fit une remarque « Après avoir marché aux côtés du Che, vous marchez avec George Soros et Rockfeller pour la marihuanna ». La réponse, cinglante, du rapporteur du projet de loi, le Sénateur Roberto Conde : « Nous ne sommes pas dans une logique commerciale et capitaliste, la publicité pour la marijuana est interdite, les prix et les quantités disponible à l’achat sont fixés par l’Etat dans un esprit sanitaire et non commercial. Nous ne libéralisons pas le marché pour des entreprises privées et l’argent récupéré servira à mettre en place des politiques de prévention efficace. Nous sommes à l’opposé d’une démarche commerciale »

 

Le plus marquant lors de la tenue du débat était l’hystérie des deux grands partis de droite (le parti Colorado et le parti National – les deux couvrant un spectre politique allant du centre à l’extrême-droite) face au calme et à la patience du parti gauche – le Frente Amplio, allant du centre-gauche à l’extrême gauche et comptant de nombreux anciens guerrieros ayant combattu la dictature, dont le président et son épouse.

Voilà, pour cette présentation de la loi. J’ai assez bossé mon sujet pour être à peu près sûre de n’avoir pas écrit de bêtises. Cependant, si jamais vous en voyez une, n’hésitez pas à m’en faire part, je corrigerai avec joie.

Si vous ne connaissez pas encore José « Pépé » Mujica, le président qui légalisa le cannabis à la barbe du monde entier, je vous conseille la lecture de cet article de Rue89 : //rue89.nouvelobs.com/2013/01/22/voici-les-cinq-qualites-pour-faire-un-president-de-legende-238687

Des bisous là où ça vous rend tout chose,

Soeur Rose

 

 

 

Auteur: Philippe Sérié

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