Augmentation draconienne de la recherche scientifique sur le cannabis médical

Recherche scientifique

Bien que le cannabis demeure une substance bannie sur la scène mondiale, on assiste à des changements et des politiques alternatives locales sont adoptées. Grâce à l’avènement de la légalisation, la recherche scientifique sur le cannabis médical avance à pas de géant et continue de fournir des preuves scientifiques de ses effets thérapeutiques bénéfiques.

Le cannabis demeure interdit malgré les avancées juridiques et scientifiques

Bien que le cannabis demeure une substance bannie sur la scène mondiale, les dernières décennies se sont démarquées par une tendance mondiale vers la légalisation de ses différents usages médicaux et thérapeutiques. Pour que ce progrès perdure, encore bien des efforts doivent être déployés, mais à l’évidence, le débat mondial sur les politiques en matière de drogue est en train de changer, particulièrement en matière de cannabis.

Le temps nous a montré que la « guerre contre les drogues » instaurée à l’époque de la présidence américaine de Nixon a échoué, causant plus de dommages que de supposés bienfaits. En plus de coûter une fortune, elle a détruit d’innombrables vies et fait déborder les prisons. Par conséquent, un nouveau modèle de santé publique en matière de drogues s’est développé dans différents pays et des politiques alternatives locales ont vu le jour afin de décriminaliser et légaliser le cannabis, bien que ces politiques ne soient pas conformes au cadre réglementaire international.

La prohibition ne peut arrêter la science

Parallèlement, la recherche sur le cannabis médical n’a pas arrêté d’augmenter au cours des deux dernières décennies, prouvant la valeur médicale de la plante, et montrant combien les organes de contrôle internationaux du cannabis demeurent incapables de s’ajuster aux preuves.

On ne peut ignorer le fait qu’aucune loi internationale relative aux drogues n’interdit l’usage scientifique ou médical de la plante ou de toute autre substance. En effet, le cannabis médical en tant que tel n’est pas interdit par les conventions internationales des Nations Unies relatives au contrôle des drogues. Pourtant, depuis 1961, il est inscrit aux tableaux I et IV des substances contrôlées qui sont réservés aux substances les plus dangereuses et dépourvues ou presque de valeur médicale.

Cette classification a considérablement contraint la recherche scientifique et médicale pendant des décennies, et pour cette raison, une grande partie de la communauté scientifique s’est mainte fois exprimée en défaveur de l’interdiction du cannabis. Néanmoins, les choses ont changé et continuent d’évoluer.

En 2019 sera publiée la première évaluation officielle de l’OMS de la valeur médicale du cannabis en plus de 80 ans. Si l’organisme recommande aux NU de retirer le cannabis de ces tableaux, la légalisation tant attendue du cannabis pourrait devenir une réalité et les barrières actuelles à la recherche tomberaient.

Augmentation exponentielle de la recherche sur le cannabis : tendances

Pour l’instant, et en vertu de cette nouvelle ère de légalisation, la communauté scientifique publie chaque année des milliers de recherches sur le cannabis et les cannabinoïdes. Les scientifiques évaluent les données maintenant disponibles grâce au mouvement de réforme des politiques relatives au cannabis, et essaient de fournir des réponses à ceux qui en ont le plus besoin, à savoir, les patients.

L’augmentation du nombre de publications scientifiques sur le cannabis a été si spectaculaire au fil des dernières années qu’elle a fait l’objet d’une étude analytique menée par une équipe de chercheurs d’Israël, un des pays à la tête de la recherche sur le cannabis depuis les années 1960. L’étude en question est parue le 8 octobre 2018 dans le journal Population Health Management et est intitulée Trends in Publications on Medical Cannabis from the Year 2000 (tendances dans les publications sur le cannabis médical depuis les années 2000).

Les auteurs se sont servis de bases de données internet telles PubMed et Web of Science pour colliger toutes les publications cannabiques du monde entier parues depuis 2000 et analyser les tendances qui marquent de telles études. Aujourd’hui, il existe une abondance de preuves scientifiques de qualité variée, et cette étude représente un outil fondamental pour optimiser la façon d’y avoir accès.

La recherche sur le cannabis et les cannabinoïdes prend une telle ampleur qu’elle surpasse même la recherche effectuée dans d’autres domaines. L’étude établit que durant les 18 dernières années, le nombre total de publications scientifiques sur PubMed a connu une augmentation de 250 %. En comparaison, le nombre total de publications sur le cannabis a connu une augmentation de presque 450 %, passant de 620 articles à 2 388, tandis que le nombre total de publications sur le cannabis médical a augmenté de près de 900 %, de 82 à 742 publications.

L’article conclut que « les résultats de la présente étude montrent une augmentation constante dans le nombre de publications sur le cannabis en général, et sur le cannabis médical en particulier » (…) « L’augmentation du nombre de publications médicales sur le cannabis médical qui a commencé en 2013 est impressionnante et encourageante. »

Classification des publications des différents champs médicaux

Afin de faciliter l’analyse des publications colligées, pour « aider les chercheurs et ceux qui élaborent les politiques à cerner les domaines où les données sont rares ou non disponibles », ces études ont été regroupées en fonction du domaine (ou domaines) médical qui pourrait les inclure. Trois groupes principaux ont été identifiés : la psychiatrie, le traitement du cancer et la neurologie.

Alors que la majorité des recherches ont été effectuées dans le domaine de la psychiatrie, les publications s’inscrivant dans le domaine de la neurologie et du cancer ont augmenté considérablement entre 2011 et 2013. On observe aussi depuis 2013 une augmentation du nombre d’études sur les enfants et les aînés.

Les études effectuées dans le domaine de la psychiatrie se sont principalement concentrées sur les effets du cannabis et de ses deux principaux composés actifs, le CBD et le THC, dans le traitement de conditions psychiatriques tels la psychose, la schizophrénie, les troubles de stress post-traumatique, ou encore, pour aider à traiter les dépendances à des substances très addictives comme le crack, la cocaïne et les opioïdes.

Ensuite, il y a les publications portant sur la consommation de cannabis, de cannabinoïdes ou de dérivés de la plante pour aider à traiter ou soulager les symptômes du cancer, par exemple, la douleur, les nausées et les vomissements causés par la chimiothérapie, la perte d’appétit et de poids, la dépression et l’anxiété.

Dans le domaine de la neurologie, on retrouve des recherches sur les effets du cannabis et des cannabinoïdes dans le traitement de maladies et de troubles tels l’épilepsie, la sclérose en plaques, le Parkinson et le syndrome de Tourette, entre autres.

Les auteurs de l’étude concluent que « les sujets spécifiques comptant le plus grand nombre de publications étaient le VIH/SIDA (261), la douleur chronique (179), la sclérose en plaques (118), la nausée et les vomissements (102) et l’épilepsie (88) ».

Les Etats-Unis et le Canada sont à la tête de la recherche sur le cannabis
Il est intéressant de noter que c’est aux Etats-Unis que plus de 50 % des études sur le cannabis médical sont effectuées et publiées, et ce, en dépit du fait que le cannabis demeure une substance bannie au niveau fédéral (bien que paradoxalement, plus de la moitié des Etats (29) ont légalisé le cannabis médical et mis en place des programmes, en plus des neuf Etats ont légalisé le cannabis récréatif – Californie, Colorado, Maine, Massachusetts, Nevada, Washington, Oregon et Washington D.C.).

L’Amérique du Nord semble être à la tête de la recherche sur le cannabis, et au deuxième rang derrière les Etats-Unis se trouve le Canada où le cannabis médical est légal depuis 2001 et le cannabis récréatif vient tout juste d’être légalisé. C’est dans ce pays où on retrouve 7,5 % des publications révisées, et selon les auteurs de l’étude, « plus de 66 % des travaux de recherche étaient des études originales ».

Comme mentionné plus tôt, pendant plusieurs années, la recherche médicale sur le cannabis a été sévèrement restreinte en vertu des politiques prohibitionnistes adoptées dans les années 70. Comme l’indiquent les auteurs de la recherche, il est clair que l’augmentation du nombre de publications observée dans les deux dernières décennies est la conséquence directe des efforts de légalisation nationaux et internationaux.

« L’absence d’augmentation dans le nombre de publications sur le cannabis jusqu’aux dernières années semble avoir un lien avec la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants qui interdisait la consommation de cannabis récréatif et qui était appuyée par la majorité des pays développés. (…) Il faut noter que l’augmentation significative du nombre de recherches sur le cannabis médical depuis 2013 est parallèle à la légalisation du cannabis récréatif dans les Etats de Washington et du Colorado (2012), de l’Alaska et de l’Oregon (2014) et ensuite, dans plusieurs autres pays dans le monde. »

Une augmentation encourageante

Les auteurs de l’étude sur les tendances dans les publications cannabiques croient que cette augmentation, particulièrement à partir de 2013, est encourageante. Selon eux, cette augmentation « devrait fournir des données, un soutien et de la confiance en plus d’ouvrir de nouveaux horizons pour le traitement des patients », et bien sûr, ils espèrent que la recherche continuera d’augmenter dans les années à venir.

Comme le démontre cette même étude, il est très important de pouvoir étudier les effets du cannabis et partager les connaissances au sujet de ses bienfaits sur la santé. A l’évidence, la prohibition n’a pu empêcher la recherche parce que les données appuient les bienfaits potentiels de l’utilisation du cannabis médical dans le traitement d’une foule de maladies et de troubles.

Une fois que le statut du cannabis changera à l’échelle internationale, la recherche scientifique et la pratique clinique cesseront d’être entravées dans leur mission d’assister ceux qui sont le plus dans le besoin, c’est-à-dire les patients. Enfin, nous pourrons inclure de nouveau la plante de cannabis, librement et sans restriction, à la pharmacopée actuelle, comme c’était le cas durant des siècles.

Source : sensiseeds.com

Auteur: Philippe Sérié

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