Dans une tribune que nous publions, les associations de malades demandent à l’État d’agir. Elles craignent que le projet sur la généralisation du cannabis thérapeutique ne soit abandonné.
Elles représentent les malades de la sclérose en plaques, du cancer, des épileptiques… 17 associations montent aujourd’hui au front pour défendre le cannabis thérapeutique qui serait selon elles, en passe d’être abandonné ou l’usage, restreint. Or, 1 700 patients aujourd’hui supportent leurs violentes douleurs grâce à ces huiles et fleurs séchées. Il est urgent de le généraliser, clament-elles. Voici leur tribune que nous publions en exclusivité.
« Le cannabis médical est une pratique établie depuis de nombreuses années dans de nombreux pays occidentaux, et son adoption s’est intensifiée au cours de la dernière décennie pour répondre aux besoins de soulagement de la douleur et de la souffrance des patients. En France, une expérimentation a été lancée en mars 2021 pour évaluer les indications concernant des patients en souffrance chronique et sévère (atteints de sclérose en plaques, épilepsie, douleurs neuropathiques sévères, spasticités des maladies du système nerveux central, cancer, situations palliatives de fin de vie…) et pour qui les traitements disponibles étaient efficaces ou mal tolérés. Pour beaucoup d’entre nous, les médicaments à base d’extrait de fleurs de cannabis ne représentent pas simplement une alternative, mais constituent une lueur d’espoir face à des traitements inefficaces ou mal tolérés.
Cette bataille a été entreprise par certains dès le début des années 2000, tandis que d’autres ont rejoint cette cause plus récemment. Chaque année qui passe semble nous rapprocher inexorablement de l’intégration du cannabis médical dans le cadre réglementaire, permettant ainsi sa prescription et sa prise en charge financière. En 2018, la promesse d’Olivier Véran, alors député de l’Isère, a suscité un accueil favorable. En 2019, le vote à l’Assemblée nationale en faveur de l’expérimentation a été salué par nos organisations de patients, de professionnels de la santé, ainsi que par toutes les personnes concernées par cette question.
En 2021, des efforts considérables ont été nécessaires pour véritablement lancer cette expérimentation. En 2022, en dépit des résultats très positifs, tant en termes d’efficacité que de sécurité d’emploi, des différents rapports sur l’expérimentation, nous avons dû nous battre pour qu’elle ne soit prolongée que d’une seule année, alors que le gouvernement de l’époque préconisait une extension de trois ans.
Aujourd’hui, nous exprimons notre inquiétude car les promesses faites se révèlent insuffisantes, et l’absence d’action de la part de l’État prolonge la souffrance de près de 300 000 patients. L’engagement pris par le gouvernement en 2022 était clair : à la fin de la période de prolongation de l’expérimentation, la France légaliserait enfin le cannabis médical pour le rendre accessible à ceux et celles qui en ont le plus besoin.
Cependant, cette promesse semble avoir été abandonnée. Nous percevons désormais des signaux contradictoires et un silence préoccupant de la part du ministère. L’engagement initial était formel, avec la Direction générale de la Santé ayant dirigé pendant plus de six mois un groupe de travail pluridisciplinaire composé de près d’une centaine de parties prenantes (médecins, patients, associations, entreprises, experts qualifiés). Nous avons connaissance qu’un projet de texte est prêt et qu’il est sur la table (ou dans un tiroir), en attente d’être soumis au vote.
Nos sources nous informent que la proposition d’une prescription simplifiée est actuellement menacée de l’intérieur. Alors que le Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 sera présenté devant les parlementaires à l’automne, des délibérations sont en cours pour déterminer quelles thématiques seront incluses dans le budget de la Sécurité Sociale de l’année prochaine, notamment en ce qui concerne le cannabis médical. La présence d’un budget dédié à l’entrée dans le droit commun du cannabis médical dans le PLFSS ne réglera pas tout, tant que l’accès simplifié à la prescription ne sera pas assuré pour les patients, comme l’égalité sur tout le territoire par une dispensation en officine de ville.
Nous, patients, considérons le cannabis médical comme une option thérapeutique supplémentaire dans les indications identifiées lors des travaux de la commission de l’ANSM pour des patients chroniques et sévères en échec de traitement et lançons un appel aux pouvoirs publics pour assurer l’entrée dans le droit commun du cannabis médical dès l’année prochaine, sans rendre l’accès difficile, voire impossible aux traitements. »
Les signataires
Marie-Madeleine Gilanton, APAISER S&C ; Hélène Berrué-Gaillard, Alliance Maladies Rares ; Pascal Douek, médecin et patient sclérose en plaques ; Patrick Baudru, Epilepsie France ; Coralie Marjollet, Initiative des Malades Atteintes de cancers Gynécologiques ; Robert Schenk, Association française du Syndrome de Fatigue Chronique ; Agnès Farrugia, Association française contre l’amylose ; Martine Libany, Association CMT France ; Sophie Lecommandoux, Association des Personnes Atteintes du Syndrome de Currarino ; Jean-Philippe Plançon, Association Française contre les Neuropathies Périphériques ; Catherine Mallevaës-Kergoat, Association ARAMISE – AMS ; Sylvain Leveille, Connaître les Syndromes Cérébelleux ; Josette Kupperschmitt, Association AIMKTARLOV ; Cécile Foujols, Association Syndrome de Klippel-Feil ; Frédéric Prat, Principes Actifs ; Mariannick Lepetit, SOS GLOBI Nouvelle Aquitaine ; Paulette Gérard, Association Waldenström France.
Source : leparisien.fr