Cannabis thérapeutique : des élus et médecins demandent sa légalisation

Dans une tribune publiée dans Le Parisien, plusieurs personnalités demandent à la ministre de la Santé de mettre un terme à la culture du tabou sur le cannabis à usage médical. La France est actuellement en plein flou sur ce sujet alors qu’il a été prouvé selon eux qu’une molécule présente dans la plante a bien des vertus médicinales.

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C’est un débat qui revient souvent en France, celui concernant l’autorisation du cannabis à visée thérapeutique. Des milliers de malades, souffrant de pathologies chroniques invalidantes sévères, utilisent des cannabinoïdes pour soulager les symptômes de leurs maladies (spasticité musculaire en cas de sclérose en plaques…), ou pour atténuer les effets secondaires de traitements (nausées et vomissements liées à la chimiothérapie). Mais ces derniers risquent d’être condamnés par la justice car, en France, la production de cannabis médical est interdite. A la différence de 33 pays dans le monde, comme certains États des États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni ou encore les Pays-Bas, l’Espagne et l’Uruguay.

C’est pour faire évoluer cette situation que des élus de différents bords politiques (PS, LREM, EELV) et médecins ont souhaité publier une tribune officielle dans le journal Le Parisien. Dans leur texte, ils s’adressent directement à la ministre de la Santé Agnès Buzyn pour dénoncer un « statu quo » national alors qu’il s’agit selon eux d’une véritable question de santé publique. En effet, ce sont plus 300 000 patients français qui pourraient bénéficier de ce type de thérapie selon les chiffres évoqués. « Pourquoi une minorité de réfractaires persistent-ils à considérer l’usage du produit comme dangereux, en le réduisant à la catégorie des substances prohibées ? », écrivent-ils.

La ministre de la Santé souhaite ouvrir le débat

D’autant que, selon eux, il n’y a plus à prouver l’efficacité des cannabinoïdes (cannabidiol ou CBD, tétrahydrocannabinol ou THC…) pour traiter la douleur chronique, les troubles physiques provoqués par les chimiothérapies et les spasmes musculaires liés à la sclérose en plaques. Sans pour autant remettre en cause l’usage des antidouleurs actuels comme la morphine, l’Efferalgan codéiné et l’Oxycontin, il s’agirait de proposer à toutes ces personnes une alternative «  dont le mode d’action et le mode d’administration, telle que la vaporisation, n’entraînent quasiment aucun effet secondaire. » Sans compter qu’en mai dernier, la ministre elle-même avait évoqué le retard de la France dans ce domaine.

« J’ai demandé aux différentes institutions qui évaluent les médicaments de me faire remonter l’état des connaissances sur le sujet, parce qu’il n’y a aucune raison d’exclure, sous prétexte que c’est du cannabis, une molécule qui peut être intéressante pour le traitement de certaines douleurs très invalidantes », avait-elle déclaré à France Inter. Tout en se montrant prudente : « Je ne peux pas vous dire à quelle vitesse nous allons le développer mais j’ouvre le débat avec les institutions responsables de ce développement ». Les auteurs de la tribune appellent également à faire de la pédagogie auprès des Français et des élus, pour qu’ils puissent faire la différence entre la plante et ses molécules.

Le Sativex n’est toujours pas commercialisé en France

« Certains d’entre eux se contentent encore d’observer le cannabis sous le prisme de ses effets récréatifs et de l’économie délictuelle qu’il génère. (….) L’efficacité thérapeutique d’une de ses molécules (le CBD) est désormais avérée et pleinement exploitée hors de nos frontières », ajoutent-ils. Autre argument évoqué : l’opinion favorable des Français dans ce domaine comme l’a indiqué une enquête Ifop publiée le 11 juin 2018. Les résultats montraient que 82 % des sondés sont favorables à l’usage du cannabis sur prescription médicale et que 62 % considèrent que le cannabis médical doit être accessible sous toutes ses formes, voire remboursable par la Sécurité sociale.

« Dans l’intérêt général, la situation doit évoluer par des directives clarifiées. Allons plus vite, madame la ministre ! », soulignent-ils, précisant soutenir la proposition d’élus creusois qui souhaitent obtenir des autorisations pour produire un cannabis cultivé, conditionné et commercialisé localement, exclusivement à des fins thérapeutiques. « Tous les acteurs de la filière sont prêts et attendent du gouvernement un acte fort pour avancer et réguler cette nouvelle activité », concluent-ils. A noter que l’usage de cannabis médical est théoriquement légal en France depuis la publication d’un décret en 2013 qui permet « la délivrance d’une AMM (autorisation de mise sur le marché) à des médicaments contenant du cannabis ou ses dérivés ».

Mais dans les faits, peu de médicaments de ce type ont une AMM en France. La revue spécialisée Vidal explique qu’avant ce décret « seules quelques dizaines d’autorisations temporaires d’utilisation ont été délivrées pour un comprimé de THC de synthèse, le Marinol. Un médicament autorisé dans des indications limitées comme les douleurs de la sclérose en plaques. Suite à la parution du texte, le débat a concerné le Sativex, un médicament sous forme de spray obtenu à partir d’extraits de cannabis et prescrit à des patients atteints de sclérose en plaques. Ce dernier a obtenu son AMM en janvier 2014 mais il n’est toujours pas commercialisé en France, officiellement en raison de son prix.

Source : santemagazine.fr

Auteur: Philippe Sérié

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