Le Ravi : Le cannabis pour tous en débat Yes we can(nabis) !

Yes, we can(nabis) !

 

Attention, terrain glissant. Il pousse des épines sur les plants de cannabis quand les politiques s’emparent de la question de la dépénalisation et de la légalisation. Chez nos élus, certains assument, d’autres s’interrogent et les derniers font barrière.

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Souvenez-vous. Le 14 octobre 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l’Education, lâche cette phrase à l’antenne de France Inter à propos de la dépénalisation du cannabis : « Je suis très étonné de ce côté un peu retardataire de la France sur un sujet qui, pour moi, est d’ampleur.  » Un mini-séisme politique. Le gouvernement est taxé par l’opposition de «  gauche pétard  », le ministre d’«  irresponsable  », le débat sur la légalisation de «  scandaleux ». Trois ans plus tard, la discussion n’a toujours pas été ouverte dans les hautes sphères politiques.

«  Quand, on pose des questions ’’standards’’ sur les transports ou l’économie, il n’y a pas de problème, explique Jean-François Césarini, fondateur du think tank «  progressiste  » Terra Nova Vaucluse. Mais quand on aborde des sujets de société, qui renvoient à notre histoire personnelle, comme pour le mariage pour tous ou la dépénalisation, là, ça clive.  » Au sein même de Terra Nova Vaucluse, le débat est bien présent. « C’est la première fois qu’il y a des disparités  !  » Alors, pour ou contre ? Noir ou blanc ? Rien n’est jamais aussi simple…

Des avis plus ou moins tranchés

 

Pour Jean-Marc Coppola, la dépénalisation est «  un des sujets les plus difficiles  »Le vice-président Front de gauche du Conseil régional oscille selon les arguments. «  D’un côté, être pour signifie que l’on tolère cette pratique nocive, d’un autre côté, des expériences de dépénalisation dans d’autres états ont été concluantes  », hésite-t-il, sans trouver une voie qui lui semble «  utile  », dans l’intérêt général.

 

Pour d’autres, ce questionnement n’existe pas. La ligne est claire, nette, précise. « Je suis complètement contre  », affirme sans sourciller Samia Ghali, sénatrice-maire PS des 15e et 16earrondissements de Marseille. « Ça ne résout pas le problème, les trafics de drogues plus dures vont se développer. Et même chez les consommateurs de hasch, il y en aura toujours qui voudront un taux de THC plus élevé que celui proposé légalement.  » Pour lutter contre le marché parallèle du cannabis, Samia Ghali reste sur un système de prévention et de répression, convaincue que le milieu scolaire est une des clefs du problème. Et que la nouvelle génération doit sentir qu’elle ne peut pas faire ça impunément. Jusqu’à appeler l’armée dans les cités, par exemple ? Une idée qui aurait d’ailleurs pu venir d’une toute autre formation politique… « La solution, c’est la répression la plus sévère  », promeut-on du côté de la permanence parlementaire de Marion Maréchal (nous voilà)-Le Pen, la candidate (FN) aux régionales.

 

Libérez les esprits !

 

«  Échec patent.  » Voilà comment qualifie pourtant Sébastien Barles, ancien candidat EELV aux départementales à Marseille, la répression policière face au trafic de cannabis. L’écologiste prône, comme l’ensemble de son parti, une légalisation du cannabis via un monopole d’Etat, ou une gestion coopérative. « Il faudrait la même politique qu’avec le tabac, en gardant la prévention, l’interdiction aux moins de 16 ans  »imagine-t-il. Et s’inquiète de la qualité du shit pour les cinq millions de consommateurs français quotidiens… «  Aujourd’hui, il est coupé à la paraffine, au cirage…  » Plein de trucs mauvais pour la santé que la légalisation pourrait contrôler.

En effet, si le trafic de drogue est un enjeu social, « pour les consommateurs c’est un enjeu sanitaire  »ajoute Patrick Padovani, le monsieur santé et hygiène de la mairie de Marseille. Contre toute attente, le républicain, qui n’hésite pas à rappeler les actions de prévention subventionnées par la mairie contre la toxicomanie, n’est pas vent debout contre la dépénalisation. « Elle existe déjà un peu, avoue-t-il. On ne peut pas arrêter tous ceux qui ont 10 grammes sur eux  ! On a créé un univers pénal intenable. » Alors l’idée de passer à une justice administrative, en gardant l’interdit mais en transformant la sanction pénale en contravention, ne lui semble pas saugrenue.

« De plus, la vraie pénalisation a un coût. Au lieu de perdre de l’argent on pourrait en lever  »,planifie Patrick Padovani. Selon une étude de Terra Nova – national cette fois – publiée en 2014, ce sont 568 millions d’euros consacrés à la lutte contre le cannabis par an. La légalisation pourrait, elle, apporter entre 1,3 et 1,7 milliards d’euros de recettes fiscales à l’Etat… Un lingot qui devrait faire basculer les esprits réticents ? Pas forcément. « Le fond du débat sur la légalisation du cannabis, c’est savoir si on considère le trafic comme une cause ou comme un symptôme de la pauvreté, de l’exclusion, de la violence »résume Jean-François Césarini, du think tank local. Et pour une fois, une cause pourrait être plus simple à soigner qu’un symptôme…

Pauline Pidoux

 

Source : http://www.leravi.org/spip.php?article2125

Auteur: Philippe Sérié

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