REPORTAGE. Comment fabrique-t-on le cannabis thérapeutique ?

Depuis l’annonce d’une phase d’expérimentation du cannabis à visée thérapeutique en France, le géant canadien de l’industrie du cannabis Tilray ambitionne de fournir les hôpitaux et pharmacies de France. Surtout depuis qu’ils ont ouvert une filiale au Portugal. Sciences et Avenir vous fait découvrir ce site de production en vidéo.

L’entreprise Tilray fait fureur dans l’industrie du cannabis à visée thérapeutique et ambitionne de fournir le marché européen, dont la France
TILRAY

La France débutera une phase d’expérimentation durant le premier semestre de 2020 visant à explorer les bienfaits thérapeutiques du cannabis sur certains symptômes pathologiques. En effet, l’Assemblée Nationale a voté le 25 octobre l’autorisation de cette initiative en accord avec la loi relative à la légalisation contrôlée de la production, de la vente et de la consommation de cannabis proposée en juillet 2019.

La production de cannabis sur le territoire français n’est pas tout à fait interdite. En effet, il est possible d’en cultiver, mais à la seule condition que les plants contiennent un taux de THC inférieur à 0,2%. Un produit si dépourvu de THC ne présente pas les mêmes bienfaits thérapeutiques qu’un produit qui en est plus concentré. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a donc entrepris d’auditionner des producteurs étrangers de cannabis en l’attente d’un possible changement dans la législation française.

Précurseurs depuis 2002, les producteurs canadiens dont Canopy Growth, Tilray et Aurora figurent parmi les leaders du secteur. Le géant canadien du cannabis Tilray vient par ailleurs d’ouvrir une filiale de production au Portugal dans un souci d’accès privilégié au marché européen. Espérant fournir le marché du cannabis pharmaceutique français en 2020, l’usine portugaise de Tilray a ouvert ses portes à Sciences et Avenir.

Des pionniers sur le marché européen

Les locaux de 24 hectares, dont 2,3 hectares sont dédiés à la culture de plants de cannabis en plein air ou dans des serres, sont situés entre Porto et Lisbonne, à Cantanhede. En juillet 2017, les Autorités Nationales Portugaises des Médicaments et des Produits de Santé ont octroyé à Tilray une licence leur permettant de cultiver, importer et exporter du cannabis à visée thérapeutique en vrac. L’entreprise est l’une des seules à répondre aux normes de culture, de production et de manufacture de cannabis internationales et européennes appelées normes GMP (« Good Manufacturing Processes »). Présents dans 13 pays où ils exportent des produits finis ou des principes actifs en vrac, ils ont intégré le marché européen en fournissant les pharmacies allemandes en fleurs de cannabis séchées.

Sascha Mielcarek, le directeur général de Tilray au Portugal, appuie auprès de Sciences et Avenir sur l’ambition de l’entreprise de fournir le marché européen en cannabis tout en étant basé sur le continent, et donc de s’inscrire dans un mouvement de production locale européenne. La France s’ouvrant progressivement à la consommation de cannabis thérapeutique, Tilray candidate : « Fort de ses 5 années d’expérience auprès de plus de 25.000 patients traités et proposant des produits sûrs fabriqués dans des installations certifiées EU-GMP, Tilray est particulièrement bien placé pour être un partenaire de confiance et sélectionné en France. »

« Nous suggérons notre participation à cette expérimentation. Nous répondrons aux exigences qui nous seront imposées« , nous assure Mielcarek.

Un processus de production rigoureux suivi à la lettre

Cristina Almeida, responsable de la qualité et pharmacienne de formation, fait découvrir a Sciences et Avenir les procédures auxquelles souscrivent toutes les plantes de cannabis. Entre octobre et décembre 2017, la filiale portugaise a importé 2.000 boutures depuis l’usine originale de Tilray à Nanaimo au Canada. Ces boutures sont cultivées et grandissent pendant un an avant d’être sélectionnées pour être clonées. Le clonage de ces plantes mères permet de conserver l’information génétique à travers les générations. Aucune graine n’est utilisée car les plantes sont clonées et toutes sont des femelles car les plantes mâles ne produisent pas de THC ni de CBD.

« Nous contrôlons toutes les conditions environnementales nécessaires à la croissance des plantes, dont la température, l’humidité, la qualité de l’eau et que celle du substrat. Puis nous contrôlons la qualité phytosanitaire de la plante elle-même ainsi que ses concentrations en THC et en CBD« , explique Dr. Almeida qui ajoute que les contrôles sont effectués régulièrement tout au long du processus de culture dans des laboratoires spécialisés dans le contrôle de la qualité. Toutes les plantes de cannabis cultivées n’ont pas les mêmes concentrations en THC et en CBD car les teneurs en ces deux substances varient en fonction des produits thérapeutiques. Les taux de THC et de CBD sont différents pour chaque variété de cannabis cultivée, ou cultivar (voir encadré ci-dessous) : « Nous cultivons différentes variétés de plantes de cannabis et cette diversité de cultivars varie en concentrations de THC et de CBD. Nous choisissons parmi ces plantes les mères que nous voulons en fonction de leurs concentrations individuelles en THC et CBD pour ensuite les cloner« . Lorsque les plantes ont atteint les concentrations désirées en THC et en CBD, elles sont récoltées pour être taillées. La fleur est séparée du reste de la plante et doit recevoir l’approbation GMP avant d’être séchée. Toutes les fleurs sont séchées dans les mêmes conditions d’humidité et de température.

Un cultivar est une variété de plante (arbres compris) obtenue en culture, généralement par sélection, pour ses caractéristiques réputées uniques.

Une équipe de 50 horticulteurs sont présents dans la serre pour la récolte © TILRAY

La filiale portugaise n’est pour le moment pas autorisée à exporter de produits finis mais espère obtenir bientôt cette certification. En son attente, Tilray au Portugal exporte les principes actifs des produits sous forme de fleurs séchées à des laboratoires pharmaceutiques en Europe, dont l’Allemagne et l’Irlande. Ce sont les pays importateurs qui se chargent de produire les traitements à partir des fleurs.

Auteur: Philippe Sérié

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