Plaidoyer général en faveur du cannabis thérapeutique, lors des auditions de l’ANSM

Crédit Photo : PHANIE

 

Quel est le profil des patients qui ont recours au cannabis thérapeutique ? Ce sont des personnes « souffrant depuis longtemps de douleurs sévères et constantes, parfois depuis des dizaines d’années », des adultes « pas spécialement pro drogue, qui se fournissent chez les dealeurs, mais pas de gaîté de cœur, surtout quand ils envoient leurs enfants à leur place », explique Marie Madeleine Gilanton, représentante de l’alliance Maladies rares.

Auditionnée par le comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) de l’ANSM, cette dernière s’est appuyée sur une enquête menée auprès des patients atteints de diverses maladies rares (maladies traumatiques du cerveau, les atteintes malformatives du cerveau, du cervelet et de la moelle, neuropathie héréditaire…) pour lancer un vibrant appel à une autorisation encadré des produits du cannabis à visée thérapeutique. Elle n’est pas la seule. En 8 heures d’auditions, la question a fait l’objet d’un consensus relativement large au sein des experts interrogés.

Un rapport avant la fin de l’année

Suite à la demande de la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn, le CSST mis en place par l’ANSM a procédé à une journée d’auditions. Objectif : produire un rapport sur la pertinence et la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France avant la fin de l’année.

Le Dr Bernard Basset, de la Fédération française d’addictologie (FFA), a ainsi regretté que les médecins français « ne puissent pas participer aux études internationales sur le cannabis thérapeutique à cause de la législation. » Au cours des discussions, le Pr Gilles Edan, chef du pôle neurosciences du CHU de Pontchaillou, à Rennes, et membre du CSST, a également reconnu le paradoxe français : « La France est un des seuls pays où l’on n’a pas facilité l’accès au cannabis thérapeutique, constate-t-il. Les Français se renseignent seuls sur ce qui se passe à l’étranger. Il faut que les médecins puissent informer sur ce sujet. » Pour le Dr Bernard Basset, l’absence d’une offre de cannabis thérapeutique légale et contrôlée à ouvert la porte « à des entreprises qui se sont positionnées avec des objectifs économiques et non des objectifs de santé publique ».

Des indications peu discutées

Le Dr Jean-Michel Delile, psychiatre et président de la Fédération Addiction, a rappelé que dans la littérature scientifique plusieurs indications sont « peu discutées, à savoir les douleurs liées aux infections par le VIH, les cancers évolués, l’anorexie, les douleurs chroniques et les troubles spastiques, énumère-t-il. Les études amènent privilégier les voies d’administration plus sûres et contrôlées que la combustion du cannabis : orales, transmuqueuses ou inhalées ».

De manière générale, le Dr Delille reste prudent concernant les sécurités d’emploi. « Le rapport bénéfice risque doit pouvoir être évalué au cas par cas et indication par indication. Il ne faut pas perdre de vue les leçons de la crise actuelle des opioïdes », prévient-il, plaidant pour la mise en place d’un registre contenant les noms des professionnels impliqués, et les dossiers des patients.

Représentant l’Académie de médecine, le Pr Alain Serrie, chef du Service de médecine de la douleur à l’hôpital de Lariboisière, à Paris, a proposé qu’en pratique, « l’initiation et le suivi soient réalisés en structures douleur afin de garantir une prise en charge optimale de ces patients ». Le Pr Serrie propose aussi un dépistage régulier des comportements addictifs.

Du côté des associations de patient, on rappelle la réalité de terrain : « Les produits sont déjà là et les patients font leurs propres expériences, affirme Patrick Baudru, de France Parkinson. Ils continueront à le faire tant qu’on ne mettra pas des traitements à distribution. » L’association France Parkinson s’est déclarée favorable à des études scientifiques dans un cadre contrôlé.

Source : lequotidiendumedecin.fr

Auteur: Philippe Sérié

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