
Alors que leur mise sur le marché français est prévue courant 2025, les médicaments à base de cannabis aiguisent les appétits des fabricants spécialisés et des grands laboratoires. Si les biotechs orléanaise Overseed, et angevine Delled, ont pris une longueur d’avance sur ce créneau, plusieurs acteurs convoitent également les patients de l’Hexagone grâce à des produits d’importation. Explications.
Il apparaît comme un des dossiers en suspens sur le bureau du prochain ministre de la Santé du gouvernement Barnier : l’accélération du processus d’autorisation de mise sur le marché du cannabis à usage thérapeutique. Ne reste plus que la transmission à la Commission européenne des deux arrêtés et du décret encadrant la culture et la distribution des produits, pour s’assurer de la conformité au droit européen. Si les textes sont prêts depuis mai dernier, l’absence de titulaire au ministère de la Santé depuis la dissolution de juin dernier a freiné la navette vers Bruxelles.
« Ce retard, de l’ordre de six mois, aura pour conséquence de repousser le calendrier des premières demandes d’autorisation au 1er janvier 2025, estime Hugues Péribère, président fondateur de la start-up Overseed, l’un des deux principaux fabricants français de cannabis thérapeutique. La commercialisation devrait ainsi débuter au second semestre de l’année prochaine ».
Un planning prévisionnel confirmé par Nathalie Richard, directrice de projet cannabis médical à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Près d’un million de malades concernés
Après le feu vert donné en 2019 par la majorité parlementaire de l’époque à trois phases d’expérimentations, menées entre 2020 et cette année par l’ANSM, la dernière loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a entériné le remboursement des traitements à base de cannabis dans cinq types de pathologies graves, sans thérapie alternatives. Il s’agit des douleurs neuropathiques, de certaines formes d’épilepsies, de symptômes liés au cancer, des soins palliatifs, et enfin, des douleurs musculaires dues à des maladies du système nerveux (sclérose en plaques, notamment).
« Entre 800 000 et un million de patients français sont concernés par ces pathologies, indique Franck Milone, dirigeant de la société Delled (LaFleur), basée à Angers en Maine-et-Loire, et lui-même atteint de sclérose en plaques. 40% environ d’entre eux, soit entre 400 et 500.000 personnes, pourraient être soignés grâce du cannabis médical ».
Le marché annuel hexagonal est ainsi valorisé à environ 800 millions d’euros à l’horizon de cinq ans par la plupart des acteurs.
Une filière de cannabis Made in France
Dans ce contexte, Delled et Overseed font figure de pionniers en France. Leurs médicaments à base de cannabis se présentent sous deux formes : d’une part des huiles injectables, via une seringue, pour les traitements de fond ; d’autre part des formules à inhaler directement.
Créé à Orléans en 2021, Overseed a levé début septembre 6,7 millions d’euros auprès de la plateforme d’investissement Blast Club d’Anthony Bourbon, notamment. Le Crédit Agricole et le fonds d’Amorçage de la région Centre-Val de Loire opéré par UI Investissement ont aussi apporté leur contribution dans le capital, toujours détenu majoritairement par la famille Péribère.
Sous sa propre marque, Delled a débuté son activité de culture de plantes de cannabis et de production de solutions pharmaceutiques dès 2014. « L’investissement total consenti est de l’ordre de six millions d’euros, indique Franck Milone. En tant que laboratoire, nous diffuserons nos propres produits. Il n’est pas exclu que nous distribuions aussi certains médicaments d’importation sur le territoire ».
Majors canadienne, australienne et israélienne
Autorisé dans 23 des 27 Etats de l’Union européenne, le cannabis thérapeutique provient essentiellement de fabricants canadiens, comme Aurora Cannabis et Tilray. Les laboratoires australien Little Green Pharma et israélien Panaxia constituent les deux autres principales majors du secteur.
Trois laboratoires hexagonaux (Boiron, Neuraxpharm et Intsel Chimos) se seraient déjà positionnés en tant que distributeurs de leurs produits dans l’Hexagone. Malgré la concurrence étrangère annoncée vis-à-vis du cannabis médical made in France, cette structuration de la nouvelle filière laisse entrevoir à Overseed et à Delled de bonnes perspectives de croissance d’ici trois ans. La biotech orléanaise vise « plusieurs dizaines de millions d’euros » de chiffre d’affaires et un effectif de 50 collaborateurs (20 actuellement) en 2027. Quant à la société angevine, elle prévoit de passer de 10 à 30 salariés et de générer 15 millions d’euros de recettes.
Guillaume Fischer