Cannabis thérapeutique : seuls certains médecins volontaires devraient prescrire

Le cadre de l’expérimentation du cannabis thérapeutique qui commencera début 2020 est enfin connu.

L’expérimentation du cannabis thérapeutique aura lieu en 2020 en France.
Miguel MEDINA / AFP

Seuls certains médecins spécialistes volontaires devraient pouvoir prescrire du cannabis thérapeutique dans le cadre de l’expérimentation qui commencera début 2020, selon les conclusions d’un groupe d’experts mandaté par l’Agence du médicament dévoilées mercredi 19 juin 2019.

Ces préconisations, encore provisoires, ont aussitôt été saluées comme une « avancée importante » par plusieurs associations, même si elles jugent le cadre proposé trop restrictif. « Alors qu’ils sont tout à fait formés et compétents, certains médecins généralistes sont de fait exclus de l’expérimentation », a regretté dans un communiqué Bertrand Rambaud, coprésident du collectif Alternative pour le cannabis à visée thérapeutique (ACT), qui regroupe trois associations de patients et de médecins.

Six mois de mise en place, six mois de suivi, six mois d’analyses

Le comité d’experts mis en place par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) échangera sur ce projet mercredi 26 juin 2019 avec les professionnels de santé et les associations de patients, avant de remettre son avis définitif. L’ANSM se prononcera ensuite à son tour, avant une phase de « mise en place » des détails pratiques de l’expérimentation, qui pourrait durer six mois, pour un démarrage effectif de l’inclusion des patients début 2020. Le comité de treize spécialistes, présidé par le psychiatre et pharmacologue Nicolas Authier, recommande ensuite six autres mois de « suivi des patients » puis « six mois d’analyse des données » par un comité scientifique créé pour l’occasion.

La prescription initiale réservée aux experts hospitaliers

Le cadre qui sera choisi pour l’expérimentation ne préjuge pas des règles qui seront décidées en cas de généralisation du cannabis thérapeutique, a souligné l’ANSM. Pour ce test « en situation réelle », le comité préconise que la « prescription initiale » de produits à base de cannabis ne puisse être faite que par certains médecins : ceux qui sont spécialistes des cinq indications concernées par l’expérimentation et qui exercent dans des centres de référence (centres anti-douleur, centres experts sclérose en plaques, etc.).

Les indications concernées sont les douleurs neuropathiques (résultant de lésions nerveuses) non soulagées par d’autres thérapies, les épilepsies résistantes aux traitements, les effets secondaires des chimiothérapies ou encore pour les soins palliatifs et les contractions musculaires incontrôlées de la sclérose en plaques. La « participation à l’expérimentation, des centres et des médecins », devrait se faire « sur la base du volontariat » et après une « formation préalable obligatoire », recommande également le comité. « Une fois le traitement du patient stabilisé » (notamment pour obtenir la « dose minimale efficace »), le médecin traitant du patient pourra alors prendre le relais.

Du cannabis prescrit sous forme de fleurs séchées

Les experts estiment par ailleurs qu’il faudra rendre disponibles des produits contenant différents dosages des deux principes actifs du cannabis, le THC et le CBD, qui n’ont pas les mêmes effets. Ils suggèrent aussi de mettre à disposition le cannabis thérapeutique à la fois sous des formes qui ont un « effet immédiat » (huile et fleurs séchées pour inhalation) et sous des « formes à effet prolongé » (solutions buvables et capsules d’huile), pour répondre au mieux aux besoins différents des patients. La forme fumée (joint) n’était d’emblée pas envisagée, en raison des effets nocifs de la combustion pour la santé. « Nous avions la crainte que les sommités fleuries (les fleurs, ndlr) ne soient pas autorisées. Aujourd’hui le (comité) signe un rapport qui les promeut, c’est une bonne nouvelle », salue Bertrand Lebeau, médecin addictologue qui soutient la démarche du collectif ACT.

Tous les patients participant devront être répertoriés dans un « registre national électronique de suivi », suggèrent les experts, qui estiment que la prescription peut être « possible quel que soit l’âge » mais excluent du dispositif les femmes enceintes. Les données recueillies (doses prescrites, éventuels effets secondaires ou abandons du traitement, etc.) serviront à évaluer si le cadre est adapté ou doit être modifié. Elles pourront également alimenter une étude sur le rapport bénéfices/risques du cannabis thérapeutique, domaine dans lequel on manque encore de données solides, a souligné le comité au cours de ses travaux.

Source : sciencesetavenir.fr

Auteur: Philippe Sérié

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