Le cannabis thérapeutique peut soulager les douleurs et l’anxiété ou encore améliorer les troubles du sommeil de certains patients. Mais en France, son usage reste rarissime, faute d’un accès réel aux médicaments.
Le cannabis possède bel et bien des propriétés antalgiques. Selon plusieurs études menées pour le tester, les résultats ne sont pas majeurs, mais probants dans les douleurs neuropathiques et les contractions musculaires douloureuses en cas de sclérose en plaques. Ce qui provoque cet effet, ce sont les molécules de la plante appelées cannabinoïdes: notamment, le tétrahydrocannabinol (THC). Il agit sur les récepteurs du système nerveux central et périphérique, c’est-à-dire dans le cerveau et le reste du corps. Ces récepteurs sont impliqués dans la transmission de la douleur.
«Le cannabis réduit l’anxiété et les troubles du sommeil des personnes qui ne répondent pas aux antalgiques classiques» Pr Serge Perrot
«Le cannabis soulage certains patients aux douleurs complexes, et qui ne répondent pas aux antalgiques classiques. Mais l’effet sur la douleur est très modeste, clarifie le Pr Serge Perrot, président de la Société française d’étude et de traitement de la douleur, auteur de La douleur, je m’en sors ! (Editions In Press). Par contre, il réduit également l’anxiété et les troubles du sommeil chez ces sujets, ce qui améliore globalement leur état», explique-t-il.
Difficile à utiliser librement
Pour offrir une chance supplémentaire à ces patients particuliers, le cannabis médical est désormais disponible dans plusieurs pays comme l’Allemagne, la Belgique, ou encore le Royaume-Uni, sous forme de comprimés ou de feuilles à utiliser en inhalation, ou à ingérer dans des gâteaux, par exemple.
En France, son entrée dans la pharmacopée est beaucoup plus laborieuse. Seuls deux médicaments à base de cannabinoïdes y sont autorisés. Le premier, le Marinol, est un produit ancien, peu efficace, réservé aux douleurs neuropathiques liées à des lésions du système nerveux central. Sa prescription est conditionnée à une autorisation préalable de l’Agence du médicament française (ANSM), autant dire que son utilisation est rarissime. L’autre médicament est le Sativex, indiqué chez les patients souffrant de sclérose en plaques. Il a obtenu son autorisation de mise sur le marché en 2014, mais reste indisponible à ce jour faute d’accord de prix entre le laboratoire et les autorités de santé. Et pour s’approvisionner dans un autre pays d’Europe, il faut la prescription d’un médecin local.
Résultat, il est plus facile de se procurer illégalement du cannabis que de vouloir respecter la loi en cas de douleurs rebelles… «Cette situation est tout à fait paradoxale», reconnaît le Pr Didier Bouhassira, du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital Ambroise-Paré. Faute d’accès au cannabis médical, certains patients expérimentent le cannabis ou le fument régulièrement de façon illicite, et il est impossible de connaître leur consommation, en quantité et en qualité. «Or, une utilisation bien encadrée réduit le risque d’effets indésirables (nausées, vertiges, maux de tête), et surtout d’addiction. Enfin, seul un professionnel saura détecter certaines contre-indications. L’absence d’encadrement est donc cause d’une perte de chance pour les patients, poursuit Didier Bouhassira. Nous n’avons même pas le droit de mener des recherches sur le cannabis médical, en France. C’est dommage, le pays se prive d’une option thérapeutique supplémentaire pour soulager certains patients», estime-t-il.
Source : lefigaro.fr