ASCO 2019 : Cannabis et cancer, encore beaucoup de questions à éclaircir

 
Alors que la France s’apprête à expérimenter dans les prochaines semaines le cannabis thérapeutique pour les malades du cancer, notamment, le Congrès Mondial du Cancer de Chicago s’est penché sur le sujet ce week-end. Conclusion : l’usage du cannabis en oncologie est plus complexe qu’il n’y parait.

La France devrait bientôt expérimenter l’usage médical du cannabis dans certaines indications, et notamment pour les douleurs liées au cancer © Getty

D’ici la fin juin, le Comité chargé de réfléchir à l’autorisation du cannabis thérapeutique en France donnera son avis sur la question, ouvrant la voie à une prochaine expérimentation pour des malades dans certaines situations, souffrant notamment de douleurs réfractaires à tout traitement médicamenteux.

Mais cette question du cannabis thérapeutique n’est pas qu’hexagonale : le sujet a été débattu durant le Congrès mondial du cancer de Chicago, dimanche 2 juin. Et finalement, ce qu’on retient de cette session à laquelle assistaient des oncologues du monde entier, c’est que l’usage du cannabis en oncologie pose encore beaucoup de questions. Car s’il soulage, il peut aussi aggraver la situation.

Des experts américains et canadiens (chez eux, l’usage thérapeutique est déjà autorisé) sont venus en parler, justement. Au Canada par exemple, où le cannabis médical est autorisé depuis plus de dix ans, peu de cancérologues le prescrivent. Et ça peut se comprendre : « Ce n’est pas un produit standardisé, on manque de preuves sur son efficacité dans chaque situation, on ne sait pas grand chose sur les effets secondaires, tout cela est encore un peu confus », reconnait le Docteur Claude Cyr, il est médecin au Canada, et chercheur a l’Université Mc Gill sur ce sujet du cannabis thérapeutique.

Les oncologues du monde entier ont pu débattre du cannabis thérapeutique lors du Congrès de Chicago. © Radio France / Véronique Julia

On sait quand même (et les patients le rapportent) que le cannabis va soulager des douleurs, réduire des nausées, atténuer une fatigue ou calmer des anxiétés. Mais il faut rester prudent car on se rend compte, depuis peu, en cancérologie, que le cannabis peut dans certains cas faire plus de mal que de bien. Des études (elles sont encore rares) rapportent en effet qu’il peut faire grossir une tumeur, d’autres disent au contraire que ça aide à la réduire. Idem pour les interactions avec les médicaments utilisés contre le cancer : il semblerait que, consommé en même temps que certains traitements, chimio ou immunothérapie, le cannabis peut en accentuer les effets, ou au contraire limiter leur action.

Bref, la France a peut-être raison de se donner un peu de temps avant d’autoriser ce cannabis thérapeutique à grande échelle: « C’est une démarche beaucoup plus prudente, estime le Docteur Audrey Lebel, oncologue à l’hôpital Henri Mondor de Créteil, et venue assister aux débats du Congrès de Chicago. Dans les pays où l’on autorise déjà le cannabis thérapeutique, on le fait finalement avec assez peu de preuves scientifiques, de façon un peu intuitive et sans trop savoir quelle dose et quel type de plante donner selon chaque situation ».

Ces questions de dose, de type de plante, de forme à prescrire, le Docteur Charlotte Joly se les pose également. Oncologue à Créteil, elle sait que certains de ses patients prennent déjà du cannabis pour se soulager : « J’ai un patient sur 10 environ qui prend du cannabis parce que ses douleurs ne sont pas calmées par les médicaments, c’est difficile de leur interdire sachant que ça leur fait du bien. Mais c’est vrai que pour l’instant, on ignore tout des interactions que cet usage peut avoir avec leurs médicaments et donc _il faut beaucoup plus d’essais cliniques pour savoir précisément où on va_ ». 

En France, justement, des équipes d’oncologie sont déjà en train de monter des essais cliniques sur le sujet, en soins palliatifs notamment. Ces essais pourront démarrer dès que le feu vert de l’expérimentation sera officiellement donné.

Source : franceinter.fr

Auteur: Philippe Sérié

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