Atteinte de névralgies pudendales, cette Fréjusienne place tous ses espoirs dans le cannabis thérapeutique

Malgré les nombreux médicaments qu’elle a essayé, rien ne calme les douleurs d’Anne-Marie Toïgo, qui souffre de névralgies chroniques. Photo P. P.

 

Pour soulager ses douleurs neurologiques chroniques, Anne-Marie a essayé pléthore de traitements. Aujourd’hui, elle désespère de ne pouvoir accéder au Marinol, pourtant prescrit au CHI Bonnet.

« Après une opération à Aubagne, on m’a demandé si j’étais suicidaire parce qu’une femme venait de s’immoler suite à l’échec de cette même intervention, raconte Anne-Marie Toïgo. Beaucoup de gens se suicident à cause de cette maladie qui fait terriblement souffrir mais ne se soigne pas. »

Elle-même n’a pas d’idées noires. Mais parfois, elle n’en peut tout simplement plus. « Il m’arrive de me demander si ça vaut vraiment la peine de vivre comme ça. »

Depuis six ans, cette sexagénaire fréjusienne est atteinte de névralgies pudendales – provoquant, notamment, d’intenses sensations de brûlure au niveau de la région du périnée ou encore une incontinence urinaire – et se retrouve contrainte à vivre recluse.

« J’ai deux petits enfants de six et neuf ans… et je ne peux pas m’en occuper ni même partir avec eux en vacances », se désole Anne-Marie qui a également dû tirer un trait sur sa vie intime « à force de ne rien faire, de rester allongée et de tout le temps pleurer », souffle-t-elle avec embarras.

Praticiens et traitements essayés par dizaines

Tout a commencé à l’été 2014. Anne-Marie se souvient avoir simplement voulu aller aux toilettes… mais sans y parvenir. « Les premiers effets ont été des infections urinaires à répétition et les fuites qui vont avec. »

Du jour au lendemain, sa vie s’est arrêtée. « À 60 ans, je me sentais encore jeune mais tout s’est achevé à partir de ce moment. » Commence alors un long « parcours du combattant » pour la toute nouvelle retraitée.

« J’ai été auscultée par mon généraliste, puis des gynécologues et des sexologues », retrace-t-elle.

Ne parvenant pas à trouver la cause de son mal, l’hypothèse psychologique est alors envisagée. « Moi-même je me suis dit que ça pouvait être un traumatisme qui remontait à la surface ». Mais il n’en est rien.

C’est après six mois d’un marathon médical, au détour d’un électromyogramme, que le diagnostic tombe: son affliction est neurologique.

Seulement, celle-ci est méconnue du corps médical. « Je me suis sentie bien seule. Les kinésithérapeutes et ostéopathes ne connaissant pas cette maladie et refusaient de me prendre en charge. »

Anne-Marie parvient néanmoins à trouver un spécialiste, le docteur Bautrant, qui officie à Aix-en-Provence. « Il m’a prescrit un traitement médicamenteux mais cela n’a pas fonctionné, comme tout ce que j’avais essayé avant. Le problème venait des effets secondaires qui allaient jusqu’à la perte de la parole et une somnolence excessive. »

Au fil des mois et des années, Anne-Marie voit des dizaines de praticiens et essaie toute une ribambelle de remèdes: injections de toxine botulique, médicaments à base de benzodiazépines, infiltrations de cortisone, perfusions de kétamine, neurostimulation et même une opération chirurgicale.
Rien n’y fait.

Elle se tourne alors vers les thérapies alternatives tel l’acupuncture ou encore l’hypnose. Pas mieux.

Sur liste d’attente pour expérimentation

Après près de six années d’errance médicale, Anne-Marie retrouve un peu d’espoir à travers nos colonnes.

« J’ai vu un article de Var-matin sur le traitement au cannabis qui sera expérimenté par le service anti-douleur de l’hôpital Bonnet. J’ai aussi appris que le Marinol (une autre forme de cannabis à visée médicale N.D.L.R.), déjà prescrit, était efficace et notamment préconisé pour les douleurs neuropathiques. C’est mon dernier espoir… »

Sa planche de salut? Anne-Marie ne le sait pas encore aujourd’hui. Car elle n’a pu accéder au Marinol et se désole d’être « sur liste d’attente » pour l’accès à l’expérimentation.

« On m’a signalé que je n’en bénéficierai pas avant l’été voire novembre. Si toutefois j’en bénéficie. Je sais que d’autres personnes souffrant de douleurs neurologiques ont été soulagées par le Marinol. Alors être dans l’attente de pouvoir l’essayer tandis que je souffre au quotidien et que le traitement est à portée de main, c’est insupportable. »

Anne-Marie se confie aujourd’hui en espérant que sa situation se décante. Mais aussi pour éclairer toutes les personnes livrées à leur solitude face à la souffrance et changer le regard du public sur les douleurs neuropathiques.

« Je voudrais que les gens comprennent que ce n’est pas psychologique et que les personnes qui en sont atteintes sont dans une situation invalidante même si rien ne se voit de l’extérieur. »

En attendant, elle est bien obligée de prendre, littéralement, son mal en patience

Docteur Maamar: “Les attentes autour du cannabis médical sont énormes, les déceptions le seront aussi”

Le Dr Maamar, responsable du service médecine de la douleur au CHI Bonnet. Photo P. P.

À partir de septembre, le CHI Bonnet sera l’une des rares structures volontaires pour l’expérimentation du cannabis thérapeutique – à base de tétrahydrocannabinol (THC) et cannabidiol (CBD) – conduite par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour une durée de deux ans. C’est Le docteur Fadel Maamar qui pilotera ce dossier.

Mais, depuis 2014, le chef du service médecine de la douleur prescrit déjà du cannabis sous forme de Marinol – à base de dronabinol. Le CHI Bonnet, l’un des premiers prescripteurs de France.

Depuis 2014, une cinquantaine de patients a pu en bénéficier, dont vingt qui en usent encore actuellement. « Cela fait de nous l’un des premiers prescripteurs de France », souligne le médecin.

Côté résultat, le taux de réduction de la douleur « se situe entre 40% et 90% ». Néanmoins, celui-ci martèle qu’il ne s’agit pas d’un remède miracle. « Les attentes sont énormes mais il y aura beaucoup de déceptions. Seulement 1 % des patients sont traités au cannabis, car peu de douleurs y répondent. »

Les névralgies pudendales en font-elles partie? « Il y a des discussions à ce sujet mais, personnellement, j’en doute. Car ce sont des douleurs très complexes, avec une composante psychique. »

Malheureusement, Anne-Marie Toïgo a donc de grandes chances de se retrouver, une nouvelle fois, sans solution. Plus inquiétant encore, elle ne sera pas la seule.

« Le laboratoire qui commercialisait le Marinol vient d’en arrêter la production. » En cause: le fait que de plus en plus de pays ont recours au CBD, moins coûteux. « Aucune alternative au Marinol n’est prévue. Et l’ANSM se contente de répondre à ses usagers qu’ils vont devoir faire sans. C’est inacceptable. Du jour au lendemain, toutes ces personnes vont voir leurs douleurs ressurgir. »

Quelque 5 % des patients attendant d’être traités le seront Et l’expérimentation à venir alors? « L’objectif de l’ANSM est uniquement de savoir si si la prescription de cannabis thérapeutique est faisable. Là encore, seul 3.000 patients sont prévus par le dispositif en France. Cela ne représente qu’une très faible proportion des personnes qui espèrent être traitées au cannabis thérapeutique. En outre, c’est une expérimentation… elle ne sera donc peut-être pas reconduite. »

Source : varmatin.fr

Auteur: Philippe Sérié

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