Alexis Bortell, guérie de ses crises d’épilepsie grâce à des médicaments au cannabis, incarne la lutte pour la légalisation au niveau fédéral.
A cause de la législation répressive sur le cannabis au Texas, Alexis Bortell ne peut pas retourner dans cet Etat, au risque d’être arrêtée pour avoir transporté une substance illégale.
Le procès intenté par Alexis Bortell, 12 ans, et cinq coplaignants, est certes médiatique. Mais il n’a rien du simple happening, de la tentative de buzz facile. Il s’agit d’obliger le gouvernement des Etats-Unis à regarder en face les contradictions judiciaires, de plus en plus intenables, qui existent en 2017 lorsqu’on parle de consommation de cannabis.
Alexis Bortell souffre depuis sa naissance de crises d’épilepsie paralysantes. Le seul remède qui a pu les juguler efficacement est une huile à base de cannabis. Le problème est qu’au Texas, d’où sont originaires Alexis et sa famille, le cannabis dont elle a besoin n’est pas légal. Les Bortell ont dû déménager en 2014 au Colorado, où le cannabis à usage thérapeutique (et aussi récréatif) est légal, pour que leur fille puisse essayer de mener une vie normale. Ce traitement, indispensable, empêche notamment la jeune fille de retourner au Texas pour voir ses grands-parents, au risque d’être arrêtée pour avoir transporté une substance illégale.
Alexis Bortell est devenue depuis plusieurs années le visage de ce combat judiciaire. Elle l’incarne dans les médias, sur les plateaux, dans les conférences, sur les réseaux sociaux et dans son livre, en vente sur son site Internet.
Une affaire de droits civiques
Ce n’est pas un hasard si les avocats encadrant les plaignants la mettent autant en avant. Elle leur permet d’illustrer, en des termes très simples, les raisons de poursuivre en justice le ministre Jeff Sessions, son ministère de la justice et la DEA (Drug Enforcement Administration), les stups américains.
« Il ne s’agit pas seulement de cannabis », dit Michael Hiller, qui dirige une équipe dont chaque avocat est membre de la New York Cannabis Bar Association.
« C’est une affaire de droits civiques qui s’intéresse aux droits de chacun à utiliser un traitement pour préserver sa santé. (…) Il s’agit du droit de chacun à exercer sa liberté de parole sous le premier amendement [et] à voyager librement. »
La consommation de cannabis à des fins thérapeutiques est actuellement légale dans 29 Etat et dans le district de Columbia (la consommation à but récréatif l’est dans neuf d’entre eux). Environ 62 % de la population américaine a accès légalement à une substance qui, pour le reste du pays, et surtout pour la législation fédérale, est toujours considérée comme illégale. En 1971, le Controlled Substance Act a classé le cannabis comme une drogue de « catégorie 1 », au même titre que l’héroïne ou le LSD et, officiellement, plus nocive que des drogues de « catégorie 2 », comme la cocaïne, les amphétamines ou l’opium.
Paradoxes, inconsistances et statu quo
En plus d’Alexis Bortell et de la Cannabis Cultural Association, Michael Hiller représente d’autres individus dont les situations illustrent les paradoxes, inconsistances et statu quo presque absurdes à la lumière de l’avancée de la dépénalisation aux Etats-Unis :
Jagger Cote, 6 ans, qui souffre d’une maladie neurologique et dont la famille a aussi dû quitter la Géorgie pour le Colorado.
Marvin Washington, ex-joueur professionnel de football américain reconverti dans les produits au cannabis sans THC, qui milite pour que la ligue professionnelle accepte que les joueurs utilisent cette substance pour se soigner, plutôt que des antidouleur.
José Belen, soldat ayant servi quatorze mois lors de la première guerre du Golfe, qui soigne son trouble de stress post-traumatique notamment avec le cannabis.
L’objectif ultime, pour Michael Hiller, est de faire reconnaître que le Controlled Substance Act est inconstitutionnel lorsqu’il s’applique au cannabis. « Si la justice nous accorde cela, ce procès pourrait avoir des conséquences sur la vie de dizaines de millions de personnes », croit-il savoir.
Même si le procès est en cours, le chemin judiciaire menant à cette hypothétique décision est encore très long. Les plaignants espèrent contribuer à une dynamique similaire à celle qui a abouti à la légalisation du mariage homosexuel : une légalisation progressive par des « Etats pionniers » qui pousserait le gouvernement à prendre position à l’échelle fédérale.
Source : lemonde.fr