Cannabis: des parlementaires veulent sortir de la situation «quasiment ubuesque» autour du CBD

Un rapport parlementaire appelle à une réglementation plus souple sur le CBD. BERTRAND GUAY / AFP

Un rapport parlementaire, publié mercredi, appelle à sortir d’une situation «quasiment ubuesque» pour offrir à la France, premier producteur européen de chanvre, une réglementation plus souple sur le cannabis «bien être» (ou CBD) et saisir ainsi l’occasion de développer ce marché en vogue.

Les boutiques qui vendent des produits issus du CBD (produits alimentaires, huiles, cosmétiques, e-cigarettes, infusions, fleur à fumer ou inhaler etc.), à laquelle sont attribuées des vertus relaxantes, fleurissent sur le territoire: la France en compte près de 400 aujourd’hui, soit quasiment quatre fois plus qu’il y a deux ans, selon le Syndicat professionnel du chanvre (SPC). Mais ces commerçants peuvent s’exposer à des poursuites et ne peuvent se fournir auprès des producteurs français de chanvre (utilisé notamment dans le textile et le bâtiment) selon la loi française qui, en vertu de l’arrêté de 1990 sur les stupéfiants, interdit d’exploiter les feuilles et les fleurs de la plante qui contiennent naturellement du CBD, la molécule non psychotrope du chanvre.

Parce que, selon les auteurs, le CBD est «la victime collatérale de l’approche essentiellement sécuritaire du cannabis dans notre pays» et souffre de son cousinage avec le cannabis «stupéfiant» (à forte teneur en THC, la molécule psychotrope). Pour sortir de cette situation, lever le frein au développement économique du secteur et «garantir au consommateur une sécurité totale» sur les produits issus du CBD, la mission d’information parlementaire sur les usages du cannabis formule, dans son rapport publié mercredi, vingt propositions.

Les auteurs recommandent notamment «l’autorisation de la culture, de l’importation, de l’exportation et de l’utilisation de toutes les parties de la plante de chanvre à des fins industrielles et commerciales, y compris la fleur». La mission souhaite aussi que soit supprimé le seuil de 0% de THC dans les produits finis et qu’en soit défini un autre maximal pour les cultures de chanvre, «idéalement de 0,6%» et 1% pour les territoires d’Outre-mer situés sous des latitudes chaudes. Contrairement à plusieurs pays européens, la France autorise uniquement la culture et la commercialisation des fibres et graines de chanvre, à condition que leur teneur en THC soit inférieure à 0,2%. Les produits finis (denrées alimentaires, etc.) doivent en être dépourvus.

La balle dans le camp du gouvernement

Or, la réglementation française a été jugée illégale le 19 novembre par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) au nom de la libre circulation des marchandises, sauf si le risque pour la santé publique invoqué par la France «apparaît comme suffisamment établi». La CJUE a aussi estimé que le CBD n’avait pas d’effet psychotrope, ni nocif sur la santé, et qu’il ne pouvait être considéré comme un stupéfiant, ni comme un médicament.

«Ce rapport parlementaire va dans le bon sens. La France, qui était dans une situation particulièrement dommageable, va pouvoir prendre pied sur ce nouveau secteur, et tenter de rattraper le retard qu’elle a accumulé jusque-là», a réagi auprès de l’AFP Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre (SPC). Selon le syndicat, le marché français, encore jeune comparé à ceux de Grande-Bretagne, des Etats-Unis ou de la Suisse, pèse aujourd’hui 150 à 200 millions d’euros et pourrait atteindre le milliard d’euros d’ici à 2023 si le flou juridique qui l’entoure est levé.

La balle est désormais dans le camp de la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), qui étudie «les modalités de prise en compte du jugement de la CJUE», indique le rapport parlementaire. «Le problème n’est pas qu’elle bouge rapidement mais qu’elle bouge dans le bon sens» souligne Ludovic Mendes, le député LREM de Moselle rapporteur thématique sur le CBD «bien être». «On sait que la Mildeca n’est pas forcément en phase avec certaines de nos propositions, comme la révision des taux de THC ou l’exploitation de la fleur. Elle peut toujours trouver quelque chose qui bloque. On est très vigilant, c’est pour ça qu’on fait des propositions» ajoute-t-il, estimant qu’en l’état de la législation, c’est la «liberté entreprendre qui est remise en question».

Source : le figaro.fr

Auteur: Philippe Sérié

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