Cannabis : nous sommes encore loin de la dépénalisation

La grande question qui agite la sphère des utilisateurs de vapotage de cannabis au CBD est celle de l’interdiction éventuelle des coffee shops en France.

Par Théophile Gacogne.

En janvier 2018, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb annonçait une mise en place prochaine d’une amende pour les consommateurs de cannabis. Il disait notamment : « Je trouve ça très bien de faire cette forme de PV […] parce qu’avant on passait beaucoup de temps, les policiers, les juges, à faire de la procédure pour ensuite aboutir à des rappels à la loi, donc ça ne servait à rien […] ».

Cette approche pragmatique a été saluée par plus d’un.

Mais peut-on pour autant parler de dépénalisation, voire de légalisation prochaine ? Pas vraiment. Au contraire, puisque des poursuites pénales et une condamnation pourront faire suite à l’amende. La question de la pénalisation de la consommation du cannabis est encore loin d’être tranchée. Toutefois, plusieurs sons de cloche se font toujours entendre pour que la consommation ne soit plus pénalisée. C’est principalement à propos des propriétés thérapeutiques du cannabis au CBD que les adeptes de la consommation marquent des points.

Un peu d’histoire

L’extraction du cannabis est un processus simple, utilisé depuis des siècles. Il existe de nombreux enregistrements de personnes utilisant des extraits de cannabis comme le thé, le haschisch ou les teintures dans les temps anciens. La première mention du haschisch remonte à l’an 900 en Arabie, où il était mangé plutôt que fumé.

Au début du deuxième millénaire, le haschisch était répandu dans tout le Moyen-Orient. Il est probable que Napoléon et ses troupes en ont rapporté en Europe de l’Égypte autour des années 1800. Un médecin français, Louis Albert-Roche, a recommandé l’utilisation du haschisch dans les années 1840. Plus tard à Paris, le « Club des Hashischins » a été créé, où des écrivains célèbres comme Balzac, Baudelaire et Hugo ont apprécié le haschisch exotique qui a pu inspirer certains de leurs grands chefs-d’œuvre. Les teintures de cannabis ont été utilisées jusqu’en 1942 aux États-Unis, et jusqu’en 1970 au Royaume-Uni.

De nos jours, la science de l’extraction du cannabis a mûri de manière significative, avec des méthodes techniques plus exigeantes. La raison pour laquelle les personnes effectuent des extractions est simple, et reste la même après des siècles de pratique : le produit final est beaucoup plus puissant que l’herbe fraîche, et contient davantage des composés désirés. Par conséquent, il est plus facile de connaître le dosage. Par exemple, les herbes fraîches contiennent généralement jusqu’à 30 % de THC et 24 % de CBD, comparativement aux concentrés peuvant être purs jusqu’à atteindre 99 %.

Selon la méthode d’extraction, vous devez sélectionner les parties appropriées de la plante de cannabis à utiliser. Vous pouvez faire un extrait de chacune de ses parties en utilisant des solvants, excepté l’extrait de résine vivante. La résine vivante est l’un des plus récents types d’extraits. Il est produit à partir de plants de cannabis fraîchement récoltés, qui sont congelés immédiatement après la récolte.

Cette méthode, bien que toujours fondée sur l’extraction de la résine, est unique car elle réduit complètement le temps d’attente. En effet, lorsque vous fabriquez les extraits tels que les teintures, vous devez sécher et guérir les plantes avant l’extraction. Cela peut prendre jusqu’à 70 jours. De plus, les terpènes sont mieux conservés qu’avec d’autres méthodes. Mais jusqu’à présent, cette méthode est très rare et coûteuse.

En fin de compte, pour fabriquer des concentrés de haute qualité, vous devez toujours utiliser du cannabis séché et correctement traité.

Vous avez peut-être entendu parler du « vide poussé » et de la « distillation à court trajet ». Ce ne sont que deux noms différents désignant la séparation moléculaire. Cette méthode permet de séparer les cannabinoïdes et les terpènes de la plante et de traiter les molécules avec une dégradation thermique minimale. C’est parce que l’ensemble du processus est effectué dans des niveaux de vide inférieurs à 0,01 mm Hg. Il permet la distillation de produits à haut point d’ébullition à des températures modérées, ce qui est bénéfique, la plante n’étant pas exposée à des températures élevées pendant une longue période. Cela signifie que la dégradation thermique des composés désirés est minimale. La séparation moléculaire pour extraire du chanvre le CBD pur à 99,6 % est la plus communément utilisée.

Le type de plante à utiliser dépend de l’objectif souhaité. Pour avoir des extraits à teneur élevée en CBD sans THC, il faut utiliser du chanvre ou des variétés de cannabis riches en CBD avec une faible teneur en THC. Il est très important de n’utiliser que du cannabis issu de l’agriculture biologique pour l’extraction afin d’éviter les pesticides, les engrais ou autres produits chimiques qui pourraient être présents en quantité conséquente dans le produit final. Si vous êtes consommateur, il faut faire attention à la méthode de croissance et d’extraction utilisée par le producteur. Le but de l’extraction est de réduire la plante de cannabis en extrait riche en composés actifs, de ne pas avoir un extrait plein de produits chimiques, potentiellement dangereux.

Les boutons de cannabis sont couverts d’une épaisse couche de résine cristalline qui contient des centaines de composés thérapeutiques connus sous le nom de cannabinoïdes et de terpénoïdes. Le THC et le CBD ne sont que deux des nombreux acteurs importants qui travaillent ensemble pour produire des effets spécifiques. Cette synergie entre les composés de cannabis a été baptisée « effet entourage » ; une fois que vous savez de quoi il s’agit, vous comprenez pourquoi les médicaments contenant uniquement du THC ou du CBD ne sont pas toujours suffisants pour de nombreux usages médicaux.

Quels sont les médicaments THC et CBD seulement ?

Les médicaments contenant uniquement du THC se réfèrent principalement à des enduits synthétiques de THC, les deux plus populaires étant le Marinol (dronabinol) et le Cesamet (nabilone). Ce sont des produits pharmaceutiques légaux principalement prescrits pour traiter les nausées liées au cancer, mais leur efficacité est discutable. Une enquête de 2011 sur les modes de consommation a révélé que seulement 1,8 % des 953 patients préfèrent les produits pharmaceutiques synthétiques au THC par rapport aux méthodes inhalées ou infusées. En outre, il peut se passer des heures avant qu’une pilule contenant uniquement du THC apporte un soulagement alors que les méthodes inhalées prennent effet immédiatement.

L’avenir est au CBD

Les médicaments au CBD ont pris de l’ampleur ces dernières années à la suite  de la frénésie médiatique autour de Charlotte Web, une variété de cannabis non euphorisant, transformée en une huile riche en CBD à destination d’un enfant épileptique. Le remède miraculeux a incité plusieurs États à adopter des lois sur le CDB en vertu desquelles les médicaments riches en THC restent illégaux. Bien que les médicaments à base de cannabis CBD aient prouvé leur capacité à améliorer la vie de nombreuses personnes, ces lois existent principalement pour aider les personnes épileptiques.

Cela ne veut pas dire que les médicaments synthétiques, à base de chanvre et de CBD ne sont pas des options efficaces pour de nombreux patients, d’autant que les lois limitent l’accès aux alternatives. Ces types de produits ont joué un rôle monumental à la fois comme médicament et comme tremplin législatif. Mais que peuvent faire de plus les patients ?

Ils arriveront malgré tout difficilement à se faire livrer leurs produits quels qu’ils soient à partir du moment où ils choisissent un site Internet vendeur à partir de l’étranger. Ainsi, le fabricant suisse CBD420, en dépit d’une conduite irréprochable, a rencontré des soucis avec les douanes françaises en novembre 2017. Celles-ci ont stoppé et détenu une quinzaine de lots selon France Soir. Cependant, selon CBD420 joint par téléphone, il n’y a pas eu d’autres problèmes de livraisons depuis.

Bien que le cannabis CBD profite d’un assouplissement de la législation française, les services ne semblent pas être informés. Un taux de THC – tetrahydrocannabinol – inférieur à 0,2 % est autorisé sur le sol français. Sous forme d’herbe, le dosage est incontrôlable rapidement. Les douanes optent donc pour l’option la plus simple et l’interdisent.

Mais cela pose tout de même le problème de l’inhalation d’air chaud dans les poumons lorsque le cannabis est fumé, en inadéquation avec son approche médicinale. Certains coffee shops proposent des produits pouvant être consommés comme du chocolat, ou encore des sticks au cannabis. Il existe aussi la possibilité d’utiliser un vaporisateur de cannabis qui, au lieu de brûler la fleur de cannabis autour des 800 degrés en joint, va simplement la vaporiser à une température comprise entre 140 et 220 degrés, évitant ainsi la plupart des problèmes liés à la combustion.

La législation reste le principal obstacle

Le THC est la molécule procurant l’effet euphorisant. Sa réduction limite donc ces effets. Remplacé par une plus grande quantité de CBD, le résultat obtenu sera une grande relaxation musculaire sans embrumer l’esprit. Le cannabis ordinaire que proposent les revendeurs lambda contient plus de 20 % de THC, la substance responsable des effets psycho-actifs du cannabis. Présente en grande quantité, cette molécule peut avoir des effets ahurissants, hallucinations, anxiété, endormissements. Elle est à l’origine de la réputation de dangerosité du cannabis.

Dorénavant, les e-liquides destinés au vapotage et contenant une quantité de THC inférieure à 0,2 % sont légaux et disponible à la vente. Il n’en va toujours pas de même pour les herbes même si leur taux de THC est conforme à la législation.

La grande question qui agite la sphère des utilisateurs de vapotage de cannabis au CBD et les consommateurs de cannabis classique à l’heure actuelle est celle de l’interdiction éventuelle des coffee shops en France. En effet, depuis l’ouverture du premier vendeur de cannabis au CBD, les coffee shops vendant du cannabis CBD commencent à envahir l’Hexagone. Leurs propriétaires se sont lancés dans la zone grise de la législation. Si la ministre de la Santé, Agnès Buzyn est contre leur prolifération, il n’en va pas de même pour les utilisateurs heureux de ces opportunités plus près de chez eux.

 

Source : contrepoints.org

 

Auteur: Philippe Sérié

Partager cet article :