Le comité scientifique spécialisé temporaire (CSST), chargé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’évaluer la pertinence et la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France, a mené mardi ses dernières auditions. Les associations de patients, ainsi que les ordres professionnels, devaient s’y prononcer sur le projet de cadre de la phase expérimentale de mise à disposition du cannabis thérapeutique.
Dans l’ensemble, la copie remise par le CSST a été favorablement accueillie. Patrick Baudru, représentant l’association Épilepsie France, s’est ainsi déclaré « très agréablement surpris par la teneur du plan ». Il apprécie notamment le fait que le texte porte sur « le cannabis à spectre complet avec des dosages THC/CBD différents » et pas sur des spécialités ne contenant que du CBD. « Pour certaines formes rares d’épilepsie, le THC est plus indiqué que le CBD », précise-t-il.
Mado Gilanton, présidente de l’association APAISER de soutien aux patients atteints de syringomyélie et membre de l’Alliance maladies rares, a pour sa part salué « le courage, la détermination » ainsi que « le sérieux de la démarche » du CSST. Elle s’est également déclarée « très satisfaite du recours au spectre complet du cannabis et de l’absence de formes fumées ». Elle regrette en revanche que seule la sclérose en plaques figure sur la liste des indications retenues par le comité. « Les lésions médullaires, notamment, mériteraient d’y figurer », explique-t-elle.
Une définition trop restrictive ?
Un reproche similaire a été formulé par Fabienne Lopez et Bertrand Rambaud, du collectif alternative thérapeutique ACT. « La majorité de nos adhérents n’entrent pas dans les catégories retenues par le comité, ou ne comprennent pas bien s’ils en font parti », affirment-ils. Le président du CSST, le Pr Nicolas Authier (chef de service du centre d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU de Clermont-Ferrand), a répliqué que le comité « a pris soin de décrire des symptômes » dans son projet « plutôt que des maladies précises « , et cela, afin d’ouvrir la prescription à un plus grand nombre de patients.
Primoprescription par les généralistes ?
Tous les intervenants ne sont en revanche pas d’accord sur certains points, comme celui des spécialistes autorisés à prescrire du cannabis thérapeutique. Dans une lettre adressée au CSST, le conseil national de l’ordre des médecins propose que les médecins du premier recours soient impliqués dans la prescription initiale « dès lors qu’il existe une formation et un registre sécurisé, et compte tenu de la démographie médicale et des délais d’accès aux consultations spécialisées ».
Épilepsie France, au contraire, ne jure que par les hyperspécialistes. « Il est très important que ce soit des épileptologues qui fassent la prescription et pas des neurologues généralistes, insiste Patrick Baudru. Il faut également un accès facilité à l’EEG. » Dans son projet d’expérimentation, le CSST préconise une primoprescription par des spécialistes des indications retenues, avec un possible relais par les médecins généralistes une fois le traitement bien équilibré.
Dans un autre courrier signé par Carine Wolf-Thal, la présidente du Conseil de l’Ordre national des pharmaciens demande que des pharmaciens soient membres du comité scientifique de l’expérimentation, que les pharmaciens participant à l’expérimentation aient accès au registre et que soit mise en place une plate-forme pour favoriser l’adhésion des pharmaciens. Elle s’oppose aussi à la dispensation exclusivement par les pharmacies à usage intérieur et qu’un rôle soit défini pour les pharmaciens biologistes médicaux, afin de s’assurer que les patients qui prennent du cannabis en dehors de leur traitement bénéficient de tests biologiques pour éviter les surdosages et évaluer les différences de susceptibilité.
Source : Lequotidiendumedecin.fr