À quels malades pourrait-il être prescrit ? Sous quelle forme ? Quels seraient les risques ? On fait le point sur le cannabis à usage médical.
Le cannabis thérapeutique, qui vient d’obtenir un premier feu vert d’experts réunis par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), permet de soulager des patients en souffrance, notamment pour la sclérose en plaques.
1. Le cannabis thérapeutique, c’est quoi?
Le cannabis est utilisé pour ses qualités antalgiques, antispasmodiques, anti-inflammatoires depuis plusieurs milliers d’années en Chine, en Inde et au Moyen-Orient. Il doit ses effets à des molécules appelées cannabinoïdes, dont le THC (tétrahydrocannabinol), un agent psychoactif (qui modifie la perception), et le CBD (cannabidiol) à l’action relaxante.
Le THC synthétique (dronabinol) est commercialisé sous le nom de Marinol en France, mais sa prescription est soumise à une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative, une procédure qui en restreint considérablement l’utilisation (quelques centaines de patients en une vingtaine d’années).
Le CBD, utile pour traiter les convulsions, l’anxiété et les nausées, est présent à côté du THC dans le Sativex, un spray destiné à soulager des malades atteints de sclérose en plaques qui a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) en France en 2014 mais qui n’a pas été commercialisé faute d’accord sur le prix.
2. Quelles sont les indications du cannabis thérapeutique?
Le cannabis permet de soulager des patients dont les douleurs ne cèdent pas avec des antalgiques traditionnels, notamment dans la sclérose en plaques (contractions musculaires réflexes), les algies de la face, les troubles du sommeil, les nausées dues aux traitements par chimiothérapie…
Des études ont suggéré une efficacité possible pour les maladies neurodégénératives comme Alzheimer mais demandent à être confirmées. Un rapport de l’agence sur les drogues de l’Union européenne notait «des lacunes importantes dans les données scientifiques». Les malades qui pourraient en bénéficier sont estimés entre 300.000 – estimation la plus courante – et 1 million.
3. Sous quelle forme serait-il prescrit?
La «voie fumée», notamment le joint, «ne peut être conseillée», selon le professeur Nicolas Authier, président du Comité scientifique mis en place en septembre dernier pour se prononcer sur l’accès au cannabis thérapeutique. En effet, la fumée inhalée est tout aussi dangereuse – et cancérigène – que celle du tabac.
De surcroît, l’effet est rapide et peu durable s’il est fumé. La vaporisation permet de mieux maîtriser les doses. On peut envisager une administration sous forme de spray, d’inhalation, de gélules, de suppositoires, de gouttes sous la langue, d’huiles ou de patchs.
4. Quels pourraient être les risques liés à l’usage du cannabis thérapeutique?
Comme pour toute substance, il y a des risques: baisse de vigilance (sécurité routière), risques cardiaques, risque de décompensation (bouffées délirantes, déstructuration) chez les psychotiques. «Il faut un encadrement, avec des contre-indications, une standardisation des produits et un suivi médical», souligne le Dr Authier. Le rapport européen note que les «effets indésirables graves sont rares».
Le député LREM et médecin neurologue Olivier Véran, qui a saisi la ministre de la Santé Agnès Buzyn sur le cannabis thérapeutique, souligne qu’actuellement «on prescrit de la morphine qui rend dépendant, de la codéine et des dérivés de l’opium» qui sont souvent très mal tolérés. Faute d’études suffisantes, il est toutefois peu probable que le cannabis thérapeutique soit prescrit en première intention: plus probablement, il pourra être prescrit quand d’autres traitements de la douleur auront échoué.
5. Le cannabis thérapeutique va-t-il être autorisé en France?
Le Comité scientifique temporaire nommé par l’ANSM à la demande de la ministre de la Santé doit délivrer son avis en deux temps. Après avoir établi la pertinence de l’autorisation du cannabis thérapeutique et avancé quelques indications thérapeutiques (sclérose en plaques, épilepsie sévère, nausées des soins en cancérologie, soins palliatifs) le 13 décembre, il va travailler pendant 6 mois sur les modalités de sa mise à disposition.
Plusieurs points doivent être soulevés tels que son mode de prescription et de délivrance, son éventuel remboursement. Autant de questions à trancher avant une éventuelle mise à disposition, dont le Dr Authier «n’est pas sûr» qu’elle pourra se faire en 2019.
Source : lefigaro.fr