La recherche sur le cannabis médical connaît toujours des problèmes de financement

« Il est beaucoup plus coûteux de mener des recherches sur les stupéfiants lorsqu’ils ne sont pas autorisés à être utilisés cliniquement, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des médicaments », a déclaré M. Grotenhermen, directeur exécutif de l’Association Internationale pour le Cannabis Médical (AICM). [SHUTTERSTOCK]

La recherche sur la médecine à base de cannabis reste à la traîne en Allemagne, bien que le pays dispose de l’un des cadres réglementaires en la matière les plus développés de l’UE.

Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), les patients se sont montrés de plus en plus intéressés par l’utilisation de cannabinoïdes pour traiter diverses pathologies au cours des vingt dernières années. Il mentionne notamment les douleurs chroniques et cancéreuses, la dépression, les troubles anxieux, les troubles du sommeil et les troubles neurologiques.

Le cannabis est également utilisé pour traiter le glaucome, tandis que certains patients atteints de la maladie de Parkinson ont vu leurs tremblements diminuer, mais d’autres essais cliniques sont nécessaires à cet égard.

Le comité des médicaments à base de plantes de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a entamé des discussions sur les substances à base de cannabis utilisées à des fins médicales afin de parvenir à une compréhension commune des termes et des définitions.

Certains produits médicaux à base de cannabis sont déjà autorisés dans l’UE et sont également disponibles dans quelques États membres sur la base de prescriptions individuelles ou dans le cadre de projets pilotes.

L’Allemagne est considérée comme l’un des marchés européens les plus avancés pour les produits à base de chanvre à des fins thérapeutiques.

L’UE devrait adopter les normes allemandes en matière de cannabis médicinal

L’approche réglementaire allemande sur le cannabis médicinal devrait être adoptée dans le reste de l’Europe, selon l’Association européenne pour le cannabis médicinal (EUMCA).

Cependant, il n’y a pas de recherche significative sur le sujet par le secteur public en Allemagne, selon Franjo Grotenhermen, directeur de l’Association Internationale pour le Cannabis Médical (AICM).

La seule recherche en cours financée par le secteur public en Allemagne est l’étude clinique sur l’efficacité du cannabidiol CR (nommé Arvisol) qui a débuté en 2015 pour une période de financement de huit ans.

M. Grotenhermen a expliqué à EURACTIV qu’un « problème majeur demeure dans la recherche de médicaments à base de cannabis », car la recherche clinique peut être menée avec succès avec des extraits de cannabis qui sont brevetés.

Mais comme la recherche sur les médicaments à base de cannabis comprend souvent des substances non brevetées, il faut trouver des fonds supplémentaires. M. Grotenhermen explique qu’il est difficile de trouver un entrepreneur pharmaceutique prêt à financer la recherche sur des substances non brevetées, « ce qui coûte des millions d’euros par étude ».

Il a ajouté que, dans les années à venir, l’utilisation de médicaments à base de cannabis non brevetés pourrait être remplacée par des substances uniquement brevetées.

La légalisation aide la recherche

En 2017, Berlin a légalisé l’usage médical du cannabis et des médicaments à base de cannabis, permettant ainsi un accès plus facile aux produits du cannabis à des fins thérapeutiques.

Avant la modification de la loi, seuls 1 000 patients se voyaient prescrire du cannabis médical. En 2018, après l’adoption de la loi, les médecins ont délivré environ 142 000 ordonnances pour de la marijuana médicale uniquement.

Suivant l’exemple de l’Allemagne, un certain nombre d’autres pays européens – dont la République tchèque, l’Italie et Malte – ont développé des politiques donnant aux patients un accès plus facile au cannabis médical.

Selon M. Grotenhermen, les obstacles bureaucratiques à la réalisation de recherches cliniques ont été considérablement réduits en autorisant le cannabis et les cannabinoïdes, tels que les fleurs de cannabis, les extraits de cannabis et les cannabinoïdes individuels, à être prescrits par un médecin et à être ainsi des produits médicinaux.

« Il est beaucoup plus coûteux de mener des recherches sur les stupéfiants lorsqu’ils ne sont pas autorisés à être utilisés cliniquement, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des médicaments », a déclaré M. Grotenhermen.

Un nouveau regard sur le cannabis thérapeutique grâce à un projet pilote français ?

Le mois dernier, le gouvernement français a signé un décret devant amorcer un projet pilote de deux ans sur le cannabis médical. L’objectif ? Soulager 3 000 patients souffrant de maladies graves, comme des douleurs chroniques ou des troubles épileptiques.

Les praticiens ont encore des préjugés

La prescription de cannabis médical ne s’accélère qu’en Allemagne, alors que dans d’autres pays des « préjugés bien ancrés » ralentissent encore les changements.

Pour M. Grotenhermen, tous les pays qui ont légalisé l’usage médical du cannabis, comme le Canada, les Pays-Bas et Israël, ont ensuite progressivement vu une large acceptation de ces substances par les médecins.

« Il y a toujours d’abord des pionniers qui sont très ouverts. Puis viennent les médecins qui sont approchés par leurs patients et qui, avec le temps, sont incités à faire un essai. Une large acceptation prend du temps », a-t-il souligné.

Entre-temps, certains patients ne bénéficient pas de la loi de 2017, car la situation de la recherche de certains cannabis médicaux est difficile. En outre, « la plupart des médecins sont très sceptiques et les compagnies d’assurance maladie ne couvrent pas le coût de la thérapie », a regretté M. Grotenhermen.

[Post-édité par Anne Damiani]

Source : euractiv.fr

Auteur: Philippe Sérié

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