Le ministère de la Justice demande de ne plus poursuivre sous 0,2% de THC

Depuis quelques semaines, les propriétaires de CBD sortent souvent heureux de l’enceinte des tribunaux. Ils sont de plus en plus relaxés (c’est-à-dire déclarés innocents à l’issue d’un procès) ou bénéficient d’un non-lieu (abandon des poursuites par un juge d’instruction.

« C’est une tendance très claire », abonde l’avocate spécialisée Ingrid Metton. « Il y a moins de poursuites, c’est sûr », reconnaît un magistrat souhaitant garder l’anonymat. Et pour cause : la Chancellerie, du nom du ministère de la justice, a décidé de lever un peu le pied.

« La direction des affaires criminelles et des grâces a diffusé une dépêche, le 27 novembre 2020, en informant les parquets, et prescrivant de ne plus envisager de poursuites […] dans le cadre de la commercialisation de CBD, sauf présence de THC dans des proportions supérieures à celles de simple trace », annonce la porte-parole du ministère de la Justice, dans un mail envoyé à Newsweed.

Une question demeure primordiale : définir précisément ce qu’est une « simple trace ». Toujours selon Emmanuelle Masson, « les consignes données aux parquets concernent des taux supérieurs à 0,2 % de THC ». 

« Une volonté de souplesse »

Cette position est un demi-tour complet, par rapport à la circulaire de juillet 2018. Dans ce texte, la Chancellerie demandait aux procureurs de la République d’agir avec « une particulière fermeté » auprès des commerçants de cannabidiol. Trois ans plus tard, certains parquets continuent de poursuivre.

Mais d’autres appliquent cette nouvelle dépêche, de novembre 2020. C’est le cas pour Willen Bétriche, patron du magasin The CBD House à Biarritz. « Après deux ans et demi de procédure, le tribunal nous a relaxés, le 17 juin. C’est une excellent nouvelle ! Quand on est sortis de l’audience, on ressentait un sacré sentiment de liberté« , raconte celui qui a été menotté puis envoyé en garde-à-vue, fin 2018.

Pour l’avocat bordelais Julien Plouton, depuis l’arrêt Kanavape formulé par la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE), « les juges ont de moins en moins de mal de dire que la loi française est incompatible avec les dispositions européennes », ce qui montre « une volonté de souplesse ». « La CJUE est une juridiction suprême, il faut donc en tirer les conséquences », demande l’avocat Patrice Spinosi, qui défend le CBD devant la Cour de cassation dans l’affaire The Pot Company.

« Beaucoup de produits supérieurs à 0,2 % tournent »

c C’est ce qui est arrivé à Stéphane Nimsgern. Ce grossiste en cannabidiol du Vaucluse a fait cinq mois de détention provisoire, à la maison d’arrêt d’Aiton, en Savoie. Comme beaucoup d’autres, il a finalement bénéficié d’un non-lieu. Mais l’expérience l’a marqué.

« Un producteur italien m’avait envoyé du THC, au lieu de CBD. Il a été testé à 6 % de THC par les douanes italiennes. C’était la première fois que je faisais de la prison. C’était très dur, psychologiquement », témoigne-t-il. Aujourd’hui, il milite donc pour une « meilleure traçabilité des produits ». Selon lui, « il y a encore beaucoup de produits supérieurs à 0,2 % de THC qui tournent ».

La Cour de cassation pourrait permettre d’y voir en peu plus clair. La plus haute juridiction française se prononce ce mercredi sur la licéité de la fleur de CBD, que le gouvernement veut prochainement interdire.

Publié le 23 juin 2021 par Benjamin Boukriche

Source : newsweed.fr

Auteur: Philippe Sérié

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