Q_R L. Mendes, Député _ O. Veran Ministre de la Santé

15ème legislature

Question N° : 3916De M. Ludovic Mendes ( La République en Marche – Moselle )Question au gouvernement
Ministère interrogé > Solidarités et santéMinistère attributaire > Solidarités et santé
Rubrique >pharmacie et médicamentsTête d’analyse>Cannabis thérapeutiqueAnalyse > Cannabis thérapeutique.
Question publiée au JO le : 31/03/2021Réponse publiée au JO le : 31/03/2021 page : 3288

CANNABIS THÉRAPEUTIQUE

M. le président. La parole est à M. Ludovic Mendes.

M. Ludovic Mendes. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, l’Assemblée a voté votre amendement relatif à l’expérimentation du cannabis thérapeutique. Par la suite, la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis a publié un rapport thématique – le premier de ses rapports – sur le cannabis thérapeutique. À ce propos, je tiens à saluer l’excellent travail de notre ancienne collègue Emmanuelle Fontaine- Domeizel, qui a été chargée de ce volet thématique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Caroline Fiat applaudit également.)

Vendredi dernier, à la suite de votre visite au CHU de Clermont-Ferrand, la France a enfin lancé l’expérimentation du cannabis thérapeutique. C’est une première victoire, et d’abord pour les 3 000 patients qui participent à cette expérimentation ; ils l’attendaient depuis tellement d’années que c’est pour eux un véritable soulagement. Ce lancement était aussi attendu par les professionnels de santé et par les acteurs agricoles, qui y voient une perspective de développement d’une filière d’avenir.

Par rapport à ses voisins européens, la France est à la traîne sur cette question, et l’ambition de tous est que cette expérimentation soit à terme pérennisée de manière encadrée et définie. Quelque 200 centres de références dans 170 hôpitaux y sont impliqués. Cinq pathologies lourdes sont concernées par cette prise en charge : les patients souffrant de certaines formes d’épilepsie, de douleurs réfractaires, d’effets secondaires de la chimiothérapie, de certaines douleurs liées à la sclérose en plaques ou encore en soins palliatifs.

L’objectif de l’expérimentation du cannabis thérapeutique est de disposer d’une analyse complète des données scientifiques recueillies. Elle permettra de définir des modalités strictes de prescription et de distribution, avec une

exigence : la qualité. C’est un acte fondateur pour les patients atteints de pathologies lourdes en France, et je tiens à partager avec vous mon émotion de savoir désormais que mon petit frère, atteint de sclérose en plaques, pourra peut- être bénéficier demain d’un traitement propre à soulager des douleurs qui ne sont pas traitées par les médicaments aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler l’organisation générale de l’expérimentation ? Est-il prévu d’y intégrer des personnes souffrant d’autres pathologies, comme la maladie d’Alzheimer ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, monsieur Mendes, ainsi que l’ensemble des députés qui travaillent sur le sujet depuis des années.

C’était un jour important dans l’histoire de la pharmacopée et de la médecine françaises que celui de la première prescription d’huile à ingérer. Le patient âgé de 55 ans auquel elle était destinée – je tairai sa maladie au nom du secret médical – a indiqué publiquement que ses douleurs l’empêchaient de vivre convenablement depuis des années et qu’il plaçait beaucoup d’espoir dans ce nouveau traitement.

Nous parlons d’une pratique thérapeutique courante dans une vingtaine de pays de l’Union européenne mais qui n’avait pas de place dans la pharmacopée française. Nous parlons d’une forme de tabou qui permet de prescrire de la morphine, dérivée des opiacés, mais non des dérivés du cannabis, alors que les substances actives telles que le CBD ou le THC peuvent avoir un intérêt dans certaines indications – vous en avez cité –, notamment l’épilepsie pharmaco-réfractaire chez les enfants et les douleurs neuropathiques extrêmement fortes. Dans ma carrière de neurologue, j’ai été confronté à des patients qui recouraient à l’automédication dans de mauvaises conditions, en prenant un risque juridique pour eux-mêmes, parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement.

J’aurais souhaité – je ne vais pas vous mentir, et vous le savez puisque nous siégions sur les mêmes bancs – une généralisation d’emblée.

Mme Caroline Fiat. Oui !

M. Olivier Véran, ministre . Mais la communauté scientifique, dans sa grande sagesse, a considéré qu’une expérimentation sur 3 000 malades dans plus de 200 centres hospitaliers permettrait, grâce à la tenue d’un registre, de connaître les molécules dérivées du cannabis et les dosages adaptés aux pathologies et aux patients. J’adhère aujourd’hui totalement à cette démarche ; je considère que cette phase initiale est importante.

Je souhaite néanmoins qu’elle se déroule vite. Si je devais faire une prédiction, je dirais que demain, ce sont non pas 3 000 malades mais un nombre bien plus grand de Français qui souffrent de pathologies particulières qui pourront être traités avec les dérivés du cannabis. Ce n’est pas le nouveau paracétamol, cela ne remplace pas la morphine, mais c’est un atout dans le traitement des douleurs, notamment chez les patients atteints d’un cancer.

Je le répète, nous avons vécu la semaine dernière une belle journée pour la médecine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Auteur: Philippe Sérié

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