Chez les schizophrènes, une nouvelle étude donne du poids à la théorie soutenant que la prédisposition à la schizophrénie augmente la probabilité qu’une personne consomme de la marijuana, et non l’inverse. Mais consommer de la marijuana pourrait aussi être une forme « d’auto-médication » des problèmes liés aux stades précoces de la maladie (symptômes déficitaires, anxiété, mal-être…).
Les personnes souffrant de schizophrénie sont plus susceptibles de consommer de la marijuana, surtout celles qui commencent à fumer à l’adolescence, mais la consommation de cannabis ne serait pas forcément la cause. C’est la conclusion d’une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Neuroscience.
L’intérêt de ce travail réside dans la compréhension de cette association, par ailleurs déjà observée auparavant. « Des études antérieures ont souvent montré que l’a consommation de cannabis et la schizophrénie sont associés l’un à l’autre. Ici, nous avons étudié si cette association est causale », explique Jacqueline Vink, directrice de la recherche et professeure à l’Institut des sciences du comportement de l’Université Radboud, aux Pays-Bas.
35 gènes associés à la consommation de cannabis
Il existe d’abord des raisons génétiques pour cette association. 35 gènes associés à la consommation de cannabis ont été identifiés: ce sont les gènes prédisposant les individus à la schizophrénie qui peuvent également augmenter la probabilité de consommation de marijuana.
Au total, les chercheurs ont trouvé huit polymorphismes nucléotidiques simples (SNP) – de minuscules variations génétiques entre les individus situés dans l’ADN – liés à la consommation de marijuana au cours de la vie. Si la personne en est dotée, elle aura environ 11% de plus de risques que les autres de consommer de l’herbe. D’autres gènes associés à la consommation de cannabis ont également été identifiés, dont le fameux CADM2, connu pour engendrer des comportements à risque (tabac, drogue, alcool…). Ceci expliquant en partie pourquoi les schizophrènes ont tendance à développer également des addictions, qui compliquent grandement la prise en charge au quotidien de la maladie.
Ces résultats donnent donc du poids à la théorie soutenant que la prédisposition à la schizophrénie augmente la probabilité qu’une personne consomme de la marijuana, et non l’inverse. Mais ce n’est pas forcément la seule explication. De nombreux experts pensent qu’il s’agirait également d’une forme « d’auto-médication »: aux stades précoces, les malades n’ont pas encore d’hallucinations (symptômes positifs), mais ils ont déjà des symptômes négatifs avec une altération des capacités cognitives et une anxitété. Fumer du tabac et du cannabis permettrait de lutter contre ces symptômes: la nicotine contre les déficits cognitifs et le cannabis contre l’anxiété et le mal-être.
Un trouble mental sévère et chronique
Réalisé en association avec l’International Cannabis Consortium (qui étudie actuellement la génétique et l’utilisation de la marijuana), cet essai a impliqué plus de 180 000 personnes, provenant de plusieurs banques de données génétiques. Il confirme, à une plus grand échelle, des recherches publiées dans Molecular Psychology en 2014.
En France, environ 600 000 personnes seraient schizophrènes. La moitié des malades a déjà fait au moins une tentative de suicide. La schizophrénie est un trouble mental sévère et chronique appartenant à la classe des troubles psychotiques, qui apparaît généralement au début de l’âge adulte (entre environ 15 et 30 ans). Comme les autres psychoses, la schizophrénie se manifeste par une perte de contact avec la réalité et une anosognosie, c’est-à-dire que la personne qui en souffre n’a pas conscience de sa maladie (en tout cas pendant les périodes aiguës).
Les symptômes les plus fréquents sont une altération du processus sensoriel (hallucination) et du fonctionnement de la pensée (idées de référence, délire). La personne schizophrène peut entendre des voix qui la critiquent ou commentent ses actions, percevoir des objets ou des entités en réalité absents, ou encore accorder à des éléments de l’environnement des significations excentriques. Typiquement, la personne schizophrène a l’impression d’être contrôlée par une force extérieure, de ne plus être maîtresse de sa pensée ou d’être la cible d’un complot à la finalité mal circonscrite.
Source : pourquoidocteur.fr