Thaïlande. Après l’échec de la guerre contre le cannabis, l’usage thérapeutique n’est plus tabou

En Thaïlande, des voix s’élèvent en faveur de la dépénalisation de la marijuana. Un basculement historique tant l’Asie du Sud-Est demeure la région du monde où la législation contre les drogues est la plus répressive. Exceptionnellement cet article est en libre accès pendant 48 heures.

Nous sommes au tout début du printemps. Dans quelques semaines s’épanouira la splendide floraison des pêchers et des goyaviers dans les plantations et vergers de cette région du nord de la Thaïlande. Déjà, un petit groupe de plantes d’environ 1,50 mètre de hauteur protégées par un léger voile blanc d’hivernage exhibe leur beauté.

Car c’est ici – au beau milieu d’un champ s’étendant dans une vallée proche de la ville de Chiang Mai – que poussent les premiers plants de cannabis cultivés au grand jour dans le pays depuis de nombreuses années.

Dans les années 1980, la Thaïlande était un des principaux exportateurs de cette plante aux propriétés stupéfiantes. Ce commerce a été réprimé et éliminé sur l’insistance des États-Unis, mais depuis peu les attitudes à l’égard du cannabis ont évolué dans les deux pays.

Les spécimens que l’on peut voir à la Station agricole royale de Pang Da et dans les plantations commerciales environnantes ne sont que des plants de chanvre à très faible teneur en tétrahydrocannabinol (THC), le constituant psychotrope de la plante. Ils seront surtout utilisés pour leurs fibres et leurs huiles nutritionnelles.

Mais des variétés plus puissantes, cultivées à des fins récréatives aussi bien que médicales, pourraient être introduites si les projets de légalisation complète de la plante aboutissent. Cela marquerait un tournant pour l’ensemble de l’Asie, et en particulier l’Asie du Sud-Est, dont les politiques antidrogue comptent parmi les plus sévères du monde.

Prison et peine de mort

Au cours des quatre dernières décennies, l’approche mondiale à l’égard des stupéfiants a été essentiellement punitive. La tolérance zéro, des peines minimales obligatoires et l’attribution de larges pouvoirs aux forces de police ont été la norme.

Pourtant, un nombre croissant de pays reconsidèrent aujourd’hui cette approche. Enfermer les consommateurs de drogue s’est révélé coûteux et inefficace. La tendance est aujourd’hui à la prise en charge et à la réduction des risques.

L’Asie du Sud-Est demeure une exception. À Singapour, les fumeurs de cannabis encourent jusqu’à dix années de prison. En Indonésie, les trafiquants sont exécutés, quel que soit leur pays d’origine ou les efforts de leurs gouvernements pour les faire libérer.

Entre juin 2016 et février 2017, on estime que 7 000 personnes ont été tuées aux Philippines en raison de leur implication supposée dans le trafic de drogue. La plupart ont été abattues dans la rue, avec la bénédiction du gouvernement.

Le site de la police de Hong Kong indique que, dans cette cité-Etat, “toute personne cultivant une plante du genre cannabis […] encourt une amende de 100 000 dollars de Hong Kong [11 500 euros] et jusqu’à quinze années d’emprisonnement”.

C’est la Thaïlande qui, à partir de 2003, a planté le décor de la guerre contre la drogue dans la région. Au cours des trois mois qui ont suivi la mise en œuvre des “mesures extrêmes” recommandées par le Premier ministre d’alors, Thaksin Shinawatra, pour enrayer le trafic des amphétamines, plus de 2 000 personnes ont trouvé la mort, les peines ont été durcies et les prisons submergées.

Aujourd’hui, si le pays abrite 10 % des habitants de l’Asie du Sud-Est, il compte 40 % de ses détenus [290 000 prisonniers]. Pendant ce temps, l’usage des drogues progresse.

L’échec a été si patent qu’en 2016 le ministre thaïlandais de la Justice de l’époque, Paiboon Koomchaya, a déclaré que la guerre contre la drogue était perdue. Parmi les solutions qu’il a alors proposées figurait la légalisation du cannabis. L’idée était qu’en autorisant les usagers à expérimenter légalement l’ivresse d’une drogue douce, on les détournerait de l’envie d’essayer les drogues dures.

Certains espèrent que cette nouvelle approche améliorera la santé du pays et boostera le tourisme médical.

“Robin des bois du cannabis”

Le domicile de Buntoon Niyamapha, dans la capitale, Bangkok, est un laboratoire de drogue décoré d’affiches de Walt Disney. La Belle et la Bête et Rox et Roukysemblent contempler une table couverte de petits flacons médicaux en verre que la sœur et la femme de Buntoon emplissent d’huile de cannabis à l’aide de pipettes.

Dans une autre pièce, Buntoon nous montre une pâte sombre séchant dans une casserole à proximité d’un ventilateur parmi tout un appareillage de laboratoire.

“Du THC pur”, dit-il fièrement. Il a perfectionné sa méthode d’extraction depuis 2012, date à laquelle on a diagnostiqué à sa sœur Kamootpon un cancer de la paroi utérine. Il l’a d’abord persuadée de boire de l’eau chaude dans laquelle infusaient des bourgeons de marijuana. (Les termes cannabis et marijuana peuvent être indifféremment utilisés.)

J’étais morte de peur jusqu’à ce que mon frère me fasse lire des études en ligne”, se souvient-elle.

Le cancer a disparu, mais Kamootpon continue à se mettre chaque soir une goutte d’huile sous la langue. “Je sens que ça me fait du bien et je dors beaucoup mieux”, ajoute-t-elle.

Pour Buntoon, qui aime le fumer, le cannabis n’est plus seulement récréatif – c’est devenu une vocation. Il fait cuire deux à trois kilos de plante par jour et donne l’huile qu’il en tire à “au moins 200 personnes” qui en ont besoin.

“C’est de la charité, pas du business, souligne-t-il. Je suis le Robin des bois du cannabis.” Cette joyeuse bande forme un groupe d’adeptes enthousiastes de la marijuana médicale dont l’influence ne cesse de s’étendre.

En quelques années, ils sont passés du statut de marginaux à celui d’organisateurs de séminaires en présence de représentants du gouvernement. Parmi les participants à ces rencontres, on trouve toujours un groupe de convertis qui témoignent des effets positifs que la plante a eus sur eux.

En 2002, on a diagnostiqué à Nivate Pipatanatiganant un cancer de l’intestin grêle. Quand on lui a dit qu’il ne lui restait plus que deux mois à vivre, il renonça à sa chimiothérapie et décida d’expérimenter. Il se fit moine, modifia radicalement son régime alimentaire et se mit à consommer du cannabis.

Tout ce que je savais à son sujet, c’est que c’était une drogue illégale dont on pouvait devenir dépendant, dit-il. Mais quand on se noie, de telles considérations ne tiennent plus ; on essaie tout.”

Nivate a été influencé par un cours de médecine traditionnelle thaïe. Il y a appris que le cannabis avait été utilisé dans le pays durant deux mille ans à des fins récréatives et nutritionnelles, mais qu’il était aussi employé comme analgésique et sédatif dans les huiles de massage.

Toutefois, en raison de la prohibition, Nivate a dû se tourner vers le marché noir et improviser. Comme il ne fume pas, il faisait infuser sa marijuana dans une bouteille de vodka et en buvait un petit verre matin et soir.

“Je n’ai pas osé avouer à mon médecin que je prenais du cannabis, dit-il. Il continue à penser que c’est un miracle. Je crois que Dieu m’a donné un cancer pour que je vienne en aide aux autres patients.”

GI et anti-guerre du Vietnam

Il existe depuis des millénaires des preuves empiriques du pouvoir curatif du cannabis. D’après le Classique de la matière médicale du Laboureur céleste, ou Shennong bencao jing, un recueil de prescriptions médicales chinoises qui aurait été composé il y a quatre mille sept cents ans, le cannabis soulage le paludisme, les rhumatismes et, plus inattendu, la distraction. Les médecins occidentaux ont utilisé la plante jusqu’à son interdiction à la fin des années 1930. [La prohibition du cannabis date de 1937 aux États-Unis.]

Il suffit de taper “marijuana” et le nom de n’importe quelle maladie dans le moteur de recherche Google pour voir surgir une pléthore de témoignages fabuleux, ainsi que des articles expliquant comment “le système” a conspiré pour maintenir la plante hors de portée du plus grand nombre.

Le cannabis a joué un rôle important dans les rites chamaniques depuis l’âge de pierre et la feuille de la plante est devenue le symbole de la contre-culture moderne, ce qui ne l’a guère aidée à renforcer sa crédibilité.

La Thaïlande a joué un rôle majeur dans ce processus. Dans les années 1960, de nombreux soldats américains combattant les forces communistes au Vietnam et au Laos voisins étaient cantonnés en Thaïlande. D’autres y venaient pour des permissions ou des séjours de repos.

Nombre d’entre eux commencèrent à fumer du cannabis dans des pipes en bambou – des baungs ou, prononcé à la façon américaine, des “bongs”. Plus tard ils rapportèrent aux États-Unis non seulement cette habitude, mais aussi, grâce à de complexes réseaux d’approvisionnement clandestins, le produit lui-même.

Le cannabis joua rapidement un rôle central dans le mouvement antiguerre. Ayant perdu la guerre au Vietnam, le gouvernement américain en lança aussitôt une autre, mais cette fois contre la drogue, qualifiée de nouvel “ennemi public numéro un”.

Le cannabis fut classé parmi les substances illégales les plus nocives, plus dangereux encore que les amphétamines ou la cocaïne. En Thaïlande, les États-Unis aidèrent les autorités à brûler les bongs et à éradiquer les plantations, ce qui eut pour résultat de les repousser au Laos.

La florissante industrie du cannabis

Le changement récent d’attitude vis-à-vis du cannabis a été d’une ampleur spectaculaire. Vingt-cinq des cinquante États américains ont légalisé la marijuana à usage médical et huit, depuis l’Alaska à l’ouest jusqu’au Maine à l’est, en autorisent aussi l’usage récréatif.

Le cannabis est devenu l’industrie américaine enregistrant le plus fort taux de croissance et, si l’on en croit le cabinet d’analyse New Frontier Data, générera en 2020 plus d’emplois aux États-Unis que l’activité manufacturière. [Soit 250 000. 100 000 à 150 000 emplois ont été créés.]

Plus d’une trentaine d’autres pays se sont engagés dans la même voie. Leur démarche se fonde à la fois sur les statistiques et sur la science. Les chiffres ont montré que les lois répressives ne font pas baisser l’usage des drogues. La science, elle, prouve que le cannabis n’est pas chimiquement addictif et qu’il est impossible de succomber à une overdose en en consommant.

Il a été en outre démontré que sa substance active pouvait contribuer à soulager les symptômes d’une série de maladies, depuis la maladie de Crohn [maladie inflammatoire intestinale] et le syndrome de la Tourette [maladie neurologique] jusqu’à la sclérose en plaques et l’asthme.

En 2015, prenant en compte toutes ces données, le directeur américain de la santé publique, Vivek Murthy, plaida en faveur d’une initiative politique et de la poursuite des recherches, “pour voir ce que la science [pouvait] nous dire sur l’efficacité de la marijuana”.

Pendant ce temps, l’Asie du Sud-Est reste prise entre les extrêmes. Individuellement, de nombreux Asiatiques tolèrent l’usage de la drogue tant que cela ne les touche pas de manière négative. Le président philippin Rodrigo Duterte a reconnu qu’il ajustait pour son propre plaisir le dosage du puissant et potentiellement addictif analgésique fentanyl qu’il prend régulièrement, ce qui n’a visiblement pas entamé le soutien dont il bénéficie dans sa guerre contre la drogue.

La Thaïlande est loin d’être le seul pays de la région à avoir une longue histoire avec le cannabis. D’un autre côté, beaucoup d’habitants du Sud-Est asiatique sont révulsés par la dégénérescence que peut provoquer l’abus des drogues.

Les médias font leurs choux gras d’images de violence, de crime et de corruption, et le cannabis est présenté comme une “porte d’entrée” conduisant à la consommation de substances plus insidieuses. Les déclarations martiales permettent de remporter les élections, tandis que punir usagers et vendeurs dans les quartiers pauvres est souvent aussi populaire que peu coûteux.

Puissant anticancer ?

En Thaïlande, le cannabis est classé parmi les drogues illégales les moins nocives. D’ailleurs, dès le début du déclenchement de la guerre contre la drogue, le premier ministre Thaksin avait envisagé de le légaliser. Mais le moment n’était pas encore venu, a-t-il estimé. Aujourd’hui, vu le changement d’attitude en Occident vis-à-vis de la plante, il l’est peut-être.

Depuis quelques années, un groupe d’anciens résidents américains en Thaïlande aujourd’hui rentrés aux États-Unis publient le magazine Highland ; des musiciens écrivent des chansons sur la plante ; et les bongs sont à nouveau vendus ouvertement en Thaïlande.

L’année dernière, le débat s’est intensifié dans le pays quand la sortie d’un livre intitulé “La marijuana est un médicament qui soigne le cancer” a attiré l’attention des médias. Son auteur, le Dr Somyot Kittimunkong, a côtoyé des patients thaïs atteints de cancer qui s’automédicalisent à l’aide de cannabis, et a rendu compte de leurs résultats souvent remarquables.

Il ne s’agit pas d’un article académique, et le Dr Kittimunkong n’est que dermatologue, mais son ouvrage a suscité l’intérêt d’un public ouvert aux traitements médicaux alternatifs. Et des études récentes montrent que ses affirmations – et celle de ses patients – pourraient ne pas être aussi extravagantes qu’elles paraissent.

Depuis de longues années, les cannabinoïdes, les principaux composants psychoactifs du cannabis, se sont révélés efficaces contre le cancer chez la souris. En février dernier, la firme britannique GW Pharmaceuticals a présenté les résultats d’une étude menée sur l’homme. Elle a comparé deux groupes de personnes affectées par des tumeurs agressives au cerveau.

Les patients traités avec un médicament combinant du cannabidiol et du THC, l’élément qui provoque l’ivresse haschichine, présentèrent un taux médian de survie d’environ six mois de plus que ceux qui avaient pris un simple placebo.

Face à cette accumulation d’éléments, la Thaïlande a approuvé en janvier une proposition de loi autorisant dans quinze districts la culture d’une variété de chanvre contenant du cannabiol, substance qui n’a pas d’effet euphorisant.

Le problème en Thaïlande est que les gens ne se tournent vers le cannabis qu’en tout dernier ressort, souligne le Dr Somyot. Cela ne laisse pas assez de temps à la drogue pour produire son effet.”

Certains médecins vont jusqu’à aider leurs patients à se traiter avec du cannabis. Somnuk Siripanthong, du centre de santé holistique Panacée, installé à Bangkok, organise des réunions publiques dans l’église qu’il fréquente. Il y informe les participants des vertus curatives du cannabis et leur donne des flacons de l’huile distillée par Buntoon. Ces réunions attirent des gens affectés par toutes sortes de maladies, mais c’est le cancer qui intéresse le plus Somnuk. “Les rayons et la chimiothérapie marchent bien chez certains patients, constate-t-il. Mais d’autres voient leur état se détériorer rapidement.”

Il se plaque un pistolet imaginaire sur la tempe et fait mine d’appuyer sur la détente. “Clic, vous vous en sortez ; bang, vous êtes mort, dit-il. Pendant longtemps, nous n’avons pas compris pourquoi. Jusqu’à ce que l’on découvre qu’une mutation génétique affaiblit considérablement le système immunitaire de certaines personnes. Les cannabinoïdes ont prouvé qu’ils étaient très efficaces pour remédier à cette faiblesse et aider l’organisme à éliminer le cancer.”

Un chemin encore long

C’est peut-être parce que Somnuk est lié au gouvernement et que Buntoon est un ancien policier que leur prosélytisme en faveur du cannabis ne leur attire pas d’ennuis. Mais les deux hommes préféreraient avoir la loi de leur côté afin de pouvoir procéder à des essais reconnus de leur produit et en ajuster le dosage.

Ils voient également le potentiel économique d’une éventuelle légalisation ; le cannabis pourrait fournir une raison supplémentaire de se rendre dans ce qui est déjà l’une des cinq premières destinations de tourisme médical dans le monde, avec près de 3 millions de visiteurs chaque année – dont beaucoup originaires de Hong Kong.

“Des centres médicaux pour étrangers où serait utilisé le cannabis permettraient de soigner gratuitement les Thaïlandais, remarque Somnuk, qui pense que son pays pourrait à nouveau être respecté pour son herbe.

Au Canada, ils sont obligés de construire des serres. Ici il suffit de laisser tomber des graines par terre pour qu’elles prennent racine.”

Le chemin vers une légalisation pleine et entière pourrait être encore long. L’homme qui en a défendu le principe, l’ancien ministre de la Justice Paiboon, a été promu au conseil privé du roi, et pour l’instant aucun autre représentant officiel n’a repris le flambeau. [D’ailleurs, le Premier ministre, le général Prayuth Chan-ocha a demandé d’accentuer la répression à l’occasion de la Journée mondiale contre la drogue, le 26 juin.]

Et puis il y a ceux qui ont intérêt à étouffer la petite flamme ; la légalisation totale du cannabis pourrait restreindre la latitude d’action de la police, dont certains membres accumulent aujourd’hui des butins considérables grâce aux pots-de-vin et aux saisies de stupéfiants.

Des autorités longtemps impliquées dans le trafic

“Pour changer l’approche à l’égard de la drogue, il faut impliquer la police et en faire un pilier essentiel et fondamental de la nouvelle politique, observe Olivier Lermet, le conseiller de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour la région. Les policiers doivent comprendre l’objectif et le rôle qui leur sera dévolu.”

Les autorités thaïlandaises ont longtemps été impliquées dans le trafic de drogue. Publié en 1972, le livre d’Alfred-W. McCoy La Politique de l’héroïne : l’implication de la CIA dans le trafic des drogues, raconte comment, après le monopole du trafic de l’opium instauré par le gouvernement jusqu’à la fin des années 1950, les militaires ont établi des liens avec l’État Shan, qui produisait l’opium en Birmanie, tandis que la police garantissait la sécurité des filières d’exportation.

Amplifié par le soutien économique et militaire apporté par les États-Unis aux forces anticommunistes, ce processus finit par donner naissance au Triangle d’or, une région de collines à cheval sur la Thaïlande, la Birmanie et le Laos qui, jusque dans les années 1990, a satisfait l’essentiel de la demande mondiale en opium.

Même si aujourd’hui les autorités thaïlandaises s’efforcent officiellement d’éradiquer le trafic de drogue, l’ONUDC estime que celui-ci continue de générer 30 milliards de dollars [26 milliards d’euros] de recettes chaque année, et qu’il est directement lié aux trafics tout aussi lucratifs des animaux sauvages et des êtres humains.

Des enjeux financiers aussi énormes entraînent naturellement des phénomènes de corruption. Le maigre salaire des policiers exacerbe le problème, tout comme la fragilité du système démocratique thaïlandais [le pays a connu deux coups d’État depuis 2006 et une junte militaire est au pouvoir depuis mai 2014].

Remplacer les champs de pavots par le cannabis

Le pays a pourtant montré à plusieurs reprises qu’il était capable de lutter efficacement contre l’usage de drogue. Entre 1965 et 2003, le pays a divisé par cent la surface des terres consacrées à la culture du pavot à opium.

Le facteur essentiel a été le développement économique ; on a donné aux paysans des collines du Nord-Est les moyens de se lancer dans des cultures commerciales alternatives.

Ce projet a été applaudi comme l’un des plus réussis du genre, et beaucoup des plantations modèles qui ont vu le jour à cette occasion – comme les plantations de théiers et de fraisiers du Khun Wang Royal Project Development Centre, près de Chiang Mai – sont aujourd’hui devenues des destinations touristiques recommandées par certaines agences de voyages.

Les visiteurs qui se rendent à Pang Da découvrent à leur arrivée une vallée soigneusement cultivée. Les champs de haricots, courges amères et choux chinois dessinent un damier entre les pentes boisées des collines.

Et depuis le début de l’année, on peut apercevoir, surgissant parmi ces cultures tel un cortège nuptial, un carré de plantes voilées de blanc, les premières tiges, peut-être, d’un produit agricole aussi bénéfique à l’économie qu’il l’est pour la santé.

Per Liljas

Publié le 

Auteur: Philippe Sérié

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