DÉCRYPTAGE – Se défoncer à l’herbe pour mieux performer à l’ultramarathon ? Bizarre. Mais c’est ce que font de nombreux adeptes de ce sport, selon une enquête du Wall Street Journal (WSJ) parue le 9 février.
Que dit cette enquête ?
«Si tu trouves la bonne dose, la marijuana efface le stress de la course, explique un pro de 22 ans, Avery Collins. Et c’est aussi un remède après.» Collins en consomme quatre ou cinq fois par semaine, en l’ingérant, en l’inhalant avec un vaporisateur ou en s’enduisant les jambes d’un baume spécial. Mais pas en compétition, assure-t-il. Parfois, il se défonce pour s’entraîner : ça lui occupe l’esprit pendant les longues heures de course. Pareil après une compète : «On a couru dix-sept ou vingt heures, et quand on arrête, les jambes et la tête continuent de courir. Parfois, l’herbe est le seul moyen de s’endormir.»
En ultrafond, qui peut aller jusque 100, voire 200 km (ou plus), «on gagne si on est capable de gérer sa douleur, de ne pas vomir et de rester calme, explique une habituée, Jenn Shelton. L’herbe est bénéfique pour ces trois choses.» Pour Shelton, qui s’entraîne parfois avec du cannabis, les compétiteurs ont aussi recours aux antidouleurs médicamentaux. Mais le cannabis a ses avantages : outre qu’il retarde la sensation de douleur, son action antinausée est appréciée dans un sport où ce phénomène conduit souvent à l’abandon. Une autre hypothèse est que certains adeptes de la discipline consommaient déjà de l’herbe avant de se mettre à ce sport. Ils ont juste continué.
En quoi est-ce nouveau ?
Jusqu’ici, en sport, l’usage de cannabis semblait surtout récréatif, et peu de spécialistes conçoivent qu’il puisse aider les performances. Il a même été question de le sortir des substances détectées, mais le nouveau code mondial antidopage entré en vigueur début 2015 s’est contenté de relever le niveau acceptable de THC, histoire de n’attraper que ceux qui l’utilisent en compétition. Mais en ultrafond, rappelle le WSJ, il y a peu de contrôles, car ils coûtent cher.
Michel HENRY
source : Libération du 15 02 2015