Un médecin de Clermont-Ferrand milite pour le cannabis thérapeutique

Photo d’illustration © Lars Hagberg

Médicalement peu dangereux, mais souffrant d’une image de drogue. Pourtant, des milliers de malades consomment du cannabis pour leur bien-être. Certains médecins préféreraient encadrer cette pratique. C’est le cas de Nicolas Authier, chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Clermont-Ferrand.

Nicolas Authier est chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Clermont-Ferrand. Il s’est fait remarquer le 14 mai avec un article intitulé « Pourquoi nous devrions expérimenter le cannabis thérapeutique en France ».

Vous êtes pour un cannabis thérapeutique très encadré ?

« Soit on l’autorise sans demander qui prescrit, pour quelle maladie, qui fait pousser le cannabis… Et alors c’est de l’hypocrisie. C’est presque une dépénalisation.
Ou alors, on encadre ça. Parce qu’un médecin ne va jamais prescrire un joint à fumer. C’est mauvais pour la santé. Surtout, ça permettrait de libérer la parole de tous ces gens qui s’automédique avec du cannabis. »

C’est pour eux que vous voulez encadrer. Parce qu’on ne peut pas prendre le risque qu’ils consomment n’importe quoi ?

« J’en ai encore rencontré un ce matin. Parfois, des gens qui ne fumaient pas avant. Même pas de tabac. Certains nous amènent ce qu’ils consomment et on le teste pour eux. Le cannabis ne soigne pas tout, mais on sait que c’est efficace contre les douleurs chroniques, les nausées liées à la chimio ou la spasticité (problème musculaire, N.D.L.R.). Le but n’est pas de remplacer les traitements traditionnels. Le cannabis ne viendrait qu’en troisième ou quatrième option. Un plus. »

On est sûr de l’efficacité ?

« Il y a beaucoup d’études, mais sur des panels très réduits. Parce que ça coûte très cher. Il faudrait qu’un laboratoire pharmaceutique s’en empare. Mais pour eux, ce n’est pas très lucratif. Il faudra certainement passer par un financement étatique. »

Source : Observatoire français des drogues et des toxicomanies

Il n’y a pas de risque de dépendance ?

» Déjà, le cannabis en soi est peu addictif. Moins que le tabac ou la cocaïne. C’est un peu équivalent à l’alcool.
Avec le cannabis thérapeutique, le risque est encore plus faible. Pas plus qu’avec la codéine, dérivé de l’opium. Ou avec les anxiolytiques.
L’Agence du médicament n’est pas contre passer à l’expérimentation. Elle l’a déjà autorisée pour tester les effets au volant. »

Alors, ça bloque où ?

« Le cannabis thérapeutique pâtit d’une image de drogue. Pourtant, la morphine ne pâtit pas d’être un dérivé de l’héroïne. Le frein, c’est que le cannabis thérapeutique soit l’ouverture à la dépénalisation du cannabis. Mais c’est un frein politique. Les médecins ne peuvent pas s’occuper de politique. Pourtant, le cannabis thérapeutique existe déjà en Suisse, en Espagne, en Allemagne, bientôt en Italie… »

Il est déjà autorisé la vente de cannabis sans THC. 

« Oui, avec seulement le CBD (cannabidiol). L’autre principe actif. Mais pour que ce soit efficace thérapeutiquement, il faut les deux. Et selon leur dosage, les effets sont différents. On peut imaginer différentes posologies, adaptées aux pathologies, selon les dosages. »

Source : Observatoire français des drogues et des toxicomanies

Selon vous, la frontière entre cannabis thérapeutique et récréatif est très floue. 

« Oui. Les gens qui fument un joint pour dormir le soir. Ou pour déstresser d’une journée de travail. On ne peut pas parler de récréatif. Est-ce qu’on n’est pas déjà dans l’automédication ? »

Vous pensez qu’on s’achemine quand même vers une autorisation ?

« On trouvera facilement des gélules. On trouvera facilement du cannabis standardisé, fiable dans le temps comme Bedrocan aux Pays-Bas qui fournit entre autre le Canada. La seule question, c’est de savoir qui va financer la recherche.  »

Simon Antony

Source : Lamontagne.fr

Auteur: Philippe Sérié

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