Val-d’Oise : une start-up va faire pousser des plants de cannabis thérapeutique… à la verticale

Le climat artificiellement créé dans la serre permet de produire en toute saison des produits du monde entier. (Tower Farm)

« Dans quelques jours arriveront d’Israël nos premières boutures de cannabis thérapeutique : quelques centaines de plants, de cinq variétés différentes », se félicite Charles Soufir, président de la start-up Tower Farm. Alors que l’usage médical du cannabis est expérimenté depuis seulement un an en France, l’entreprise est, elle, déjà prête à se lancer dans la production. « Nous avons adapté nos locaux pour être conforme aux exigences de l’ANSM [L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ndlr] et nous avons déjà les protocoles de culture. »

Domiciliée à Sarcelles (Val-d’Oise), Tower Farm expérimente depuis 2018 la culture dite hors-sol. Après quelques essais sur des plantes aromatiques comestibles, l’entreprise s’est rapidement tournée vers les plantes médicinales, destinées aux industriels du médicament et de la cosmétique. En septembre 2021, suite à un an d’expérimentation, les premières tonnes de matières premières ont été livrées. Un mois plus tard, la start-up obtient l’autorisation de culture expérimentale du cannabis thérapeutique de l’ANSM. Une nouvelle gamme de produit qui devrait faire grimper le chiffre d’affaires : de 250.000 euros en 2021, Tower Farm arrive à 450.000 euros en mars 2022.

Ce type de culture balaie, de plus, les contraintes saisonnières et celles liées au dérèglement climatique que peut subir l’agriculture classique, en reproduisant artificiellement le climat optimal pour le développement de la plante. « Nous pouvons récolter 4 à 6 fois par an au lieu d’une à deux fois en agriculture traditionnelle », précise le président de Tower Farm.

Le taux d’humidité, la température ou encore l’ensoleillement sont rigoureusement contrôlés par ordinateur. Une informatisation qui permet à ces agriculteurs 2.0 de gagner en précision, mais également de faire des économies. Grâce à un système de contrôle à distance, l’entreprise peut réduire la masse salariale associée à la production, que Charles Soufir évalue à 50 % du prix final du produit dans la culture classique. A terme, l’entreprise souhaite également investir dans des dispositifs de phénotypage permettant, grâce à des caméras, d’évaluer le stade de développement de la plante. Outre les économies réalisées grâce à cette robotisation, Tower Farm mise sur le made in France pour convaincre ses clients : « Nous leur proposons de se fournir en France, en local, avec des logistiques de transports et de stockage plus simples que les importations actuelles » reprend Charles Soufir.

Offrir un service de R&D et de production

Réduire le transport, l’entreprise en fait sa marque de fabrique. Elle souhaite pleinement l’intégrer dans son modèle économique en développant des antennes de production au plus près de ses clients, afin de comprendre leurs besoins et s’y adapter. Tower Farm ne produit en effet pas seulement des matières premières, mais conçoit des plantes sur-mesure : « notre offre est un réel service R&D et de production externalisée, pour produire la plante qui répond parfaitement aux besoins de chaque client. C’est un partenariat longue durée qui peut à terme se formaliser par l’implantation de fermes verticales gérées par Tower Farm au plus près de celui-ci : soit nous créons pour lui, à notre charge, un site qu’il loue, soit il le construit sur leur site et nous l’intégrons avec notre matériel et notre personnel. »

La start-up envisage également de pouvoir accueillir des cultures directement dans sa serre d’expérimentation, implantée à Saint-Nom-la-Bretèche (Yvelines). Preuve en est, 750 mètres carrés de serres viennent d’être construits et s’ajoutent aux 300 mètres carrés déjà présents. Reste à présent à aménager ce nouvel espace et pour financer ses investissements, Tower Farm compte sur une levée de fonds lancée dans les prochaines semaines. Objectif : 5 millions d’euros.

L’usage et la production du cannabis thérapeutique progressivement inscrit dans la loi

En mars 2021, l’usage thérapeutique du cannabis est mis à l’essai pour une durée de trois ans et auprès de 3.000 patients. Porté par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette expérimentation vise l’épilepsie, certaines formes de cancer, d’affections du système nerveux et les situations palliatives. Les traitements sont aujourd’hui tous importés, mais l’ANSM a nommé, le 17 février 2022, un comité scientifique temporaire chargé de permettre le développement de cette filière en France. Ses 11 membres ont 4 mois pour, à la fois réglementer la culture du cannabis thérapeutique, mais également définir les spécifications des futurs médicaments. Un décret légalisant sous certaines conditions la culture du cannabis à usage médical et la préparation de médicament a également été signé. En parallèle, les entrepreneurs comme les industriels français se positionnent sur ce marché prometteur.

Source : lesechos.fr

Auteur: Philippe Sérié

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