Belfort Un myopathe jugé pour vouloir se soigner au cannabis

Un Belfortain, atteint de myopathie depuis l’âge de neuf ans, a défendu à la barre du tribunal correctionnel son droit à soulager ses atroces douleurs par la prise de cannabis.

Dominique Loumachi avance à la barre du tribunal correctionnel de Belfort. Un peu penché, soutenu par une canne. La petite quarantaine, il est myopathe, atteint de dermatomyosite, depuis l’âge de neuf ans. Il est poursuivi pour détention et usage de stupéfiants. Plus précisément d’herbe de cannabis, le « seul remède » censé soulager le mal qui le ronge.

La maladie, dépistée en 1983, se caractérise par de l’asthénie, un affaiblissement général. Mais surtout par des problèmes musculaires, cardiaques, de vue, des érythèmes avec inflammations et des nécroses.

L’enfant de la DASS expérimente, dès l’âge de 16 ans, des médicaments contre sa maladie, parfois « de véritables bombes avec 75 effets secondaires ». Des tests officiels et non-officiels. « J’ai été le cobaye humain de la médecine », a-t-il répété au tribunal. À qui il révélait son action en justice via le service juridique de l’AFM, il y a trois ans, pour « mise en danger d’autrui ».

Que faire quand les médecins ne savent plus quoi faire ?

« Je ne suis pas un toxicomane, juste un malade qui essaie de se soigner », dit-il, la voix bien timbrée. « Tout va mal dans mon organisme, sauf le moral », s’amuse-t-il même à lâcher. Le sourire aux lèvres. Et toujours debout. Tant bien que mal. Malgré (ou peut-être aussi grâce) « au stade extrême des traitements antidouleur : 12 cachets de codéine par jour ».

Pour sa défense, Me Jean-Charles Darey plaide l’état de nécessité. Son client ne tire pas profit des trois malheureux plants maladroitement cachés sur un balcon.

Il a subi trois attaques cardiaques, deux pulmonaires. « Alors que faire quand les médecins ne savent plus quoi faire ? », a-t-il lancé au tribunal. « Il s’est tourné vers une médecine parallèle, la prise de cannabis ».

Et Me Darey de brandir l’ordonnance du docteur Ziegler, chef du service neurologie du CHBM, justifiant « que le cannabis peut être bénéfique en traitement adjuvant de la douleur neurologique ». Puis de solliciter la relaxe au titre de la jurisprudence concernant l’arrêt de la cour d’appel de Papeete qui avait relaxé un malade paraplégique de Tahiti, jugé pour consommation et culture de cannabis (305 pieds).

Christophe Gérot pour le ministère public, en rejetant l’argument, par crainte d’« une apologie des stupéfiants », a requis contre Dominique Loumachi 300 euros d’amende avec sursis. L’affaire a été mise en délibéré, la décision sera rendue publique à l’audience du 13 février 2013.

« Consommation de cannabis nécessaire »
C’est un arrêt censé faire jurisprudence : « La consommation de cannabis est nécessaire à la sauvegarde de la santé ». Il a été rendu le 27 juin 2002 par la cour d’appel de Papeete, sous l’autorité du président de chambre, Brieuc de Mordant de Massiac. Cette décision invoque l’excuse de « nécessité » pour relaxer un homme de 55 ans, paraplégique et cultivateur de cannabis. « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne »
L’homme avait été condamné à 6 mois de prison dont 3 fermes par le tribunal de grande instance de Papeete pour avoir « détenu sans autorisation administrative des plantes vénéneuses classées comme stupéfiant ». Soit 305 pieds de 90 cm à 3 m et 84 pousses de 10 à 15 cm plantées dans son jardin. Le prévenu avait expliqué que cela lui permettait de confectionner des tisanes, seul moyen de calmer ses douleurs, les autres médicaments lui abîmant les reins.

le 15/12/2012 à 05:00 par Elisabeth Becker
Source : lepays.fr

Auteur: Philippe Sérié

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