Bilan de l’expérimentation de l’usage du cannabis thérapeutique au centre antidouleur de l’Est-Var. Larges bénéfices, traitement stoppé…

L’expérimentation de l’usage du cannabis thérapeutique menée au centre antidouleur de l’Est-Var arrive à son terme. Si certains patients en ont tiré de larges bénéfices, d’autres ont stoppé leur traitement, à cause des effets secondaires ou des contraintes.

Lancée il y a un peu plus de trois ans, l’expérimentation sur l’usage thérapeutique du cannabis concerne quatre filières de soins: les centres de gestion de la douleur, la neurologie – en particulier pour des formes rares d’épilepsie –, les soins de support en oncologie et les soins palliatifs.

Au centre hospitalier de Fréjus-Saint-Raphaël, le centre antidouleur de l’Est-Var, a répondu favorablement à cette proposition d’expérimentation (1).

« Dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation, nous prescrivions déjà, depuis 2014, du dronabinol, du tétrahydrocannabinol (THC) de synthèse. Cette expérimentation nous a ouvert la porte à diverses autres formes de cannabis naturel, extraites de la plante, avec du THC dominant ou pur, et du CBD dominant ou pur », expliquent le Dr Fadel Maamar, responsable de l’équipe territoriale de médecine de la douleur de l’Est-Var, et Fabienne Perrin, infirmière ressource douleur.

Ils déclinent les objectifs de cette étude: « Recueillir les effets thérapeutiques et cliniques des différentes formes de cannabis thérapeutique, mais également vérifier la faisabilité de cette utilisation d’un point de vue juridique et en termes d’organisation du circuit du médicament, entre la ville et l’hôpital. »

Alors que l’expérimentation s’achève à la fin de l’année, ils partagent leurs conclusions.

Observations cliniques

En préambule, le Dr Maamar tient à rappeler des indications, très cadrées. « Dans notre filière, les patients inclus présentent des douleurs neuropathiques qui résistent à tout traitement. Ces profils demandent une expertise, mais également du temps et une très grande vigilance dans la période de titration », autrement dit la période au cours de laquelle le dosage et la fréquence d’administration des médicaments sont évalués pour parvenir à une analgésie efficace, sans trop d’effets secondaires.

Des effets indésirables surviennent en effet chez 30% des patients. Il peut s’agir de troubles neuropsychologiques, gastro-entériques ou cardiaques. Malaises, syndrome dépressif, nausées, etc.: la plupart de ces effets secondaires nécessitent un arrêt du traitement.

Par contre, en l’absence d’effets secondaires majeurs, « les bénéfices thérapeutiques notés sont très intéressants chez au moins la moitié des patients; ils décrivent une amélioration de 40% à 90% de leurs douleurs. Pour des personnes avec parcours douloureux complexe, qui ont fait face à l’échec de nombreux traitements, c’est énorme », insistent le Dr Maamar et Fabienne Perrin.

Sur l’aspect juridique

Si la consommation de CBD s’est largement démocratisée ces dernières années, il n’en reste pas moins que l’usage du THC, la substance psychoactive du cannabis, reste illégale en France. Les aspects juridiques de l’expérimentation ne sont donc pas négligeables.

« Les traitements prescrits rendent positifs aux tests salivaires pratiqués en cas de contrôle par les forces de l’ordre, précise le Dr Maamar. Quant au CBD, certes autorisé, il est souvent pollué et contient des quantités variables de THC (légalement jusqu’à 0.3%). Même infimes, elles peuvent suffire à induire un contrôle positif. »

L’expérience a donc imposé d’encadrer strictement la délivrance du cannabis thérapeutique. « On a un cadre juridique qui implique de ne pas conduire. La conduite automobile sous l’empire du THC, même thérapeutique, reste un délit. »

Sur l’organisation de la filière de soins

Concernant la faisabilité de l’utilisation thérapeutique du cannabis en termes d’organisation de la filière de soins, et compte tenu des attentes de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), les résultats sont mitigés.

« Les pharmacies de ville se sont vraiment engagées, elles ont formé des personnels pour délivrer les médicaments. Mais c’est un échec du côté des médecins généralistes et des médecins traitants, constate le Dr Maamar. On peut le comprendre: l’expérimentation était très exigeante et chronophage, avec notamment une obligation de formation de la part des médecins. »

Et après? Sur les soixante patients inclus dans l’expérimentation depuis trois ans, seule une trentaine le sont toujours. « Ceux qui ont arrêté les traitements l’ont fait soit à cause d’effets indésirables, soit en raison d’un manque d’efficacité, soit parce qu’ils souhaitaient pouvoir à nouveau conduire leur voiture (l’impossibilité de conduire pose particulièrement problème en milieu rural). »

Ces conclusions et ces difficultés sont partagées avec le groupe de 200 patients qui a bénéficié de l’autorisation temporaire d’utilisation du dronabinol depuis 2014. Ils sont également une trentaine à poursuivre le traitement.

L’expérimentation s’achève le 31 décembre 2024 et depuis le mois de mars dernier, plus aucun nouveau patient n’est inclus. « Le plan de financement de la Sécurité Sociale prévoit une suite pour que les patients qui ont été inclus puissent continuer à bénéficier de leur traitement. Nous attendons les textes pour savoir comment cette prise en charge pourra s’organiser. »

Espérant « plus de facilités », le Dr Maamar estime que « les traitements à base de cannabis thérapeutique devraient être initiés dans des centres experts, avant d’être poursuivis sous la surveillance du médecin traitant ».


1. Le centre antidouleur de Nice y participe également, ainsi que d’autres filières de soins de la région.

CBD en automédication: attention aux interactions médicamenteuses

Si le CBD n’entraîne pas d’addiction, il reste cependant un produit actif pharmacologiquement.

« C’est un inhibiteur de la sérotonine. Il présente un danger en termes d’interaction avec d’autres médicaments, souligne le Dr Maamar. Et il y en a énormément. Il faut les connaître pour évaluer les possibles effets délétères avec un traitement en cours, s’agissant notamment des patients sous chimiothérapie. »

L’évaluation médicale est donc indispensable, selon le médecin. « Il ne s’agit pas d’interdire, mais de sensibiliser au risque. D’autres plantes, le millepertuis ou le pamplemousse par exemple, imposent également le même type de questionnement en raison de leurs interactions très importantes avec de nombreux médicaments. »

THC ou CBD, quelles différences?

CBD et THC sont les deux cannabinoïdes les plus connus parmi les substances de la même famille présentes dans le cannabis (nom botanique du chanvre).

Le THC (tétrahydrocannabinol) est la substance psychoactive de la plante et celle qui entraîne une dépendance. Ses propriétés psychotropes induisent la sensation de « planer ».

Elle a cependant des effets thérapeutiques: sur l’insomnie, le manque d’appétit, les nausées, les spasmes musculaires ou certaines douleurs. Classée comme produit stupéfiant, elle est interdite en France.

A contrario, le CBD (cannabidiol) n’entraîne pas de dépendance et il n’est pas classé comme stupéfiant. D’un point de vue thérapeutique, il est autorisé pour le traitement de certaines épilepsies.

Son utilisation s’est étendue au traitement de l’anxiété, des douleurs chroniques ou des troubles du sommeil.

La commercialisation de CBD à des fins récréatives a par ailleurs été autorisée en France le 29 décembre 2022, à condition que le taux de THC résiduel reste inférieur à 0,3%.

Source: https://www.nicematin.com/sante/cannabis-therapeutique-retour-d-experience-944965

Auteur: Principes Actifs 1

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