Cannabis thérapeutique : la ruée vers l’or vert a commencé

De nombreux agriculteurs de la Creuse – ici Marien, installé depuis 5 ans – espèrent obtenir de l’Etat une dérogation pour faire pousser du chanvre thérapeutique sur leurs terres. LP/Olivier Corsan

La Creuse réclame le droit de produire, à titre expérimental, du cannabis pour usage médicinal. Sans plus attendre, un agriculteur s’est déjà lancé en toute illégalité dans cette production.

C’est une vraie révolution. Pas encore très visible. Mais déjà en marche. Et curieusement, elle ne vient pas des médecins mais… d’agriculteurs de la Creuse. Tout commence fin décembre lorsque Eric Correia, élu PS, demande une dérogation à l’Etat pour faire pousser du chanvre thérapeutique sur les terres de son département. Si Emmanuel Macron n’a pas encore répondu à sa demande d’expérimentation, les paysans du coin que nous avons rencontrés, excités par ce projet inédit, sont déjà prêts à en planter. L’un d’eux, comme il nous l’annonce, a déjà commencé.

Il faut dire que l’intérêt pour le chanvre thérapeutique explose dans l’Hexagone. Si l’on connaît surtout le THC, le principe actif du cannabis, une autre de ses molécules, le cannabidiol (CBD), moins connue, est de plus en plus louée pour ses propriétés antidouleur sans effets psychoactifs. La demande est déjà là. Et pour y répondre, une vingtaine de magasins vendent déjà des variétés de chanvre à très faible teneur en THC, comme dans cette boutique de Besançon (Doubs) où il est commercialisé sous forme d’herbe pour tisane.

Une quarantaine de pays ont déjà autorisé le cannabis thérapeutique, délivré sur ordonnance : Espagne, Italie, Royaume-Uni, une partie des Etats-Unis… Même l’Allemagne l’a légalisé l’an dernier. Un dossier tabou et sans fin en France. « Il faut reprendre les études sur le CBD dans l’Hexagone, presse William Lowenstein, addictologue et président de SOS Addictions. Cela devrait être l’objectif de ce quinquennat. »

 

Où peut-on se soigner avec du cannabis ?

Il y a cinq ans, la ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine, réfléchissait déjà à l’idée de lever l’interdiction de la commercialisation de tout médicament dérivé du cannabis. Résultat, l’un d’entre eux, le spray Sativex, qui soulage les douleurs sévères de certains patients atteints de sclérose en plaques, a bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché.

Pour la première fois, le cannabis n’était plus envisagé seulement comme un stupéfiant mais aussi comme un médicament. Et puis, plus rien. Conséquence d’une querelle entre l’Etat et le labo sur son prix, il n’est toujours pas commercialisé. Plus question que le débat en reste là pour Eric Correia, également président de l’agglomération du Grand Guéret et conseiller régional de Nouvelle Aquitaine.

Une manne financière

Cette fois-ci, il ne veut plus attendre. Premier argument : cette nouvelle filière représenterait une manne financière inespérée. « Sa légalisation médicale permettrait de générer entre 500 millions et 2 milliards d’euros par an de chiffre d’affaires », avance Béchir Bouderbala, directeur des affaires juridiques à Norml, association qui milite pour la régulation du chanvre. Deuxième argument : « On a besoin du cannabis dans notre pharmacopée », martèle Eric Correia, aussi infirmier anesthésiste, spécialiste des douleurs aiguës et chroniques.

Il y a quinze ans déjà, des patients lui confiaient fumer du cannabis. « Véritable calmant contre la douleur de la sclérose en plaque, il limite les tremblements de Parkinson, soulage les épileptiques et les migraineux, énumère l’élu. On prescrit de la morphine, dérivé de l’opium sans problème, et on refuse de délivrer du cannabis sur ordonnance ? C’est absurde. Qu’est-ce qu’on attend pour y aller ? » Sollicité, le ministère ne s’est pas prononcé.

 

Ce que dit la loi

La culture de cannabis est interdite en France. Mais il existe de nombreuses dérogations.

On peut notamment faire pousser une liste restreinte de variétés de chanvre pour l’industrie textile, le bâtiment (où il sert de matériau isolant) ou encore l’alimentation humaine (huile).

« Seules les graines et les fibres peuvent être utilisées, pas les fleurs (NDLR : où se concentrent les substances actives du cannabis) », précise la direction générale de la santé (DGS).

La plante doit contenir moins de 0,2 % de tétrahydrocannabinol (THC), la substance qui produit les effets de la drogue.

En revanche, la loi ne dit rien sur le CBD, autre principe actif du cannabis. Ce qui explique la prolifération de produits à base de cette molécule : e-cigarettes, gélules, confiseries…

Des produits légaux mais qu’il est toutefois interdit de présenter comme ayant des vertus thérapeutiques ou bienfaisantes, sous peine de sanction pénale.

 

Source : leparisien.fr

Auteur: Philippe Sérié

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