Cannabis thérapeutique : pourquoi le Sativex n’est-il toujours pas vendu en France ?

Autorisé dès 2014, le premier médicament à base de cannabis et destiné aux personnes atteintes de sclérose en plaques n’est toujours pas en vente en France. Pour quelles raisons ? Sciences et Avenir fait le point.

 

Commercialisé dans 17 pays européens, le Sativex, premier médicament à base de cannabis autorisé sur le marché français en 2014, n’est toujours pas vendu en pharmacie. Ce traitement, indiqué – en deuxième intention- pour pallier les troubles de spasticité (incapacité à marcher, à prendre des objets, etc.) modérée à sévère chez les patients atteints de sclérose en plaques, devait pourtant être disponible dès 2015. En cause, l’échec d’une négociation sur le prix du médicament entre les autorités de santé et l’industriel. En effet, le prix proposé par le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS), l’organisme chargé en France de déterminer le prix des médicaments, ne représente que 17 % du prix demandé par Almirall, le laboratoire espagnol qui commercialise le Sativex. Un bras de fer qui dure depuis novembre 2014 et frustrant les espérances des 5.000 patients qui pourraient en profiter, ont alerté des responsables de l’association française des sclérosés en plaques et de la ligue française contre la sclérose en plaques lors d’un colloque organisé fin mars 2016.

Un risque d’addiction ?

Durant ce colloque, le Directeur général d’Almirall, Christophe Vandeputte, a estimé avoir déjà entrepris les efforts nécessaires pour faire baisser le coût du Sativex. « Le prix proposé par l’entreprise en France est déjà inférieur de 20 % aux prix pratiqués dans les autres pays européens », a-t-il affirmé. De plus, étant donné que le médicament comporte des conditions de prescription (voir encadré ci-dessous) et de conservation spécifiques (transport au froid), « des mesures additionnelles de pharmacovigilance et de sécurisation de la distribution ont été convenues avec l’Agence nationale de sécurité du médicament », a-t-il expliqué. Or, selon lui, la somme proposée par les autorités françaises pour son médicament « ne couvre en aucune façon ces frais ».

PRESCRIPTION. La délivrance en pharmacie de Sativex nécessite une prescription initiale hospitalière semestrielle réservée aux neurologues et aux médecins physique et de réadaptation. Le traitement n’est poursuivi au-delà de 4 semaines que si la réponse est jugée satisfaisante.

Mais le blocage des autorités sanitaires est-il seulement économique ? Non, estiment les associations, qui mentionnent la composition de la molécule, à base de deux principes actifs du cannabis (tétrahydrocannabinol – abrégé THC – et cannabidiol – CDB), soulevant un risque éventuel de mésusage.Dès l’annonce de l’autorisation de mise sur le marché par Marisol Touraine, cette question s’est posée : « les déclarations diverses concernant le risque addictogène et le mésusage du médicament ont été nombreuses », reconnaissent les organisateurs du colloque. Toutefois, « le mode d’administration par pulvérisation buccale contribue à la réduction des effets psychoactifs du THC », se défendent-ils. Ainsi, le Sativex n’aurait pas les effets euphorisants et de dépendance que l’on peut observer avec le cannabis fumé.

La HAS considère le Sativex peu efficace

Toutefois, il existe un autre frein majeur à la commercialisation du Sativex pointé par les autorités de santé : le manque d’efficacité du traitement. En 2014, la Haute autorité de santé a classé le service médical rendu (SMR) de ce médicament « faible ». Le SMR prend en compte de nombreux critères: l’efficacité, les effets indésirables, la place du médicament dans la stratégie thérapeutique (notamment au regard des autres thérapies disponibles), la gravité de l’affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux, etc. Or le classement du SMR pèse lourd dans la négociation du prix d’un médicament remboursé par l’Assurance Maladie : quand le SMR est jugé « satisfaisant », la part majeure du prix a de grandes chances d’être remboursé, c’est l’inverse si cet indice est « faible ».

Les associations ont tenté d’obtenir un rendez-vous avec Marisol Touraine, ministre de la santé et des affaires sociales, durant l’année 2015 et début 2016, afin de faire entendre leur voix. En vain. Elles espèrent toutefois que la ministre tranchera prochainement cette question, car la décision finale sur le prix lui revient. « Le non arbitrage  entraîne déjà un déplacement des patients vers d’autres pays européens qui autorisent le Sativex, une iniquité d’accès au traitement et un risque ultérieur d’illégalité vers un usage autre du cannabis », avertissent les associations.

Source : sciencesetavenir.fr

Auteur: Philippe Sérié

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