Carnet de voyage de sœur Rose 20 avril 2019

Carnet de Voyage – Principes Actifs – 20 Avril 2019

 

Chères Lectrices, Chères Lecteurs,
Et vous tous qui êtes encore là,

 

J’ai pas vraiment eu le temps de préparer ce voyage. J’ai découvert le programme du Conclave au fur et à mesure.
Ainsi, j’avais pas du tout compris que je serai là pour le 20 mars, soit le 420 (four-twenty) !

La légende raconte qu’au début des années 70, un groupe d’ados californiens se réunissait tous les jours à 16h20 pour s’en fumer un gros. L’expression a été popularisé par les Grateful Dead et s’est propagé jusqu’à devenir une référence au cannabis et à sa contre-culture.

 

Assez vite au début de notre séjour, j’ai retrouvé Michael et David, un couple de jeunes retraités qui milite activement pour le Cannabis. Avec cette malice si précieuse, ils m’ont invités à faire une tournée des dispensaires.

Et c’est comme ça, que je me retrouve à me tartiner la tronche, à 9h du matin, pour être à l’heure au rendez vous à 11h30. Ma sœur Pupuce se joint à moi mais sans maquillage, juste en habit. En « Mish Face » comme on dit aux USA, ou « à l’anglaise » comme on dit par chez nous.

Avec une ponctualité qui nous épate et malgré un vent qui nous dé-cornette à moult reprises, nous arrivons à Moe Greens.
C’est un grand dispensaire sur Market Street, pas loin de Downtown et l’un des huit à avoir un fumoir.

 

La journée va être longue, je n’achète qu’un joint déjà roulé de Jack Herer, et ça nous fera un bon 26 dollars, ma bonne dame. Alors certes, il était très bien roulé et trempé dans du pollen. Mais oui, les taxes sur le cannabis rendent les prix légèrement prohibitifs. Malgré la légalisation, en Californie, le marché parallèle reste florissant et nettement moins cher que le circuit légal.

Installé sur les confortables banquettes en faux-cuir du fumoir, David nous détaille les taxes moyennes sur le cannabis. C’est un mille-feuille imbitable. Il y a les taxes de l’État, puis celles du Comté et enfin celle de la Ville. Les prix peuvent variés énormément d’un endroit à l’autre de l’État.

 

Malgré ses yeux qui pétillent et son petit sourire satisfait quand il allume son teh, Michael n’est pas content du tout. Il a voté contre la légalisation. Il trouve que la loi est terriblement mal faite. C’est une chanson que nous entendons de plus en plus.
Il reproche, en autres, à la loi d’autoriser un employeur à virer un employé s’il consume du cannabis sur ces jours de repos par exemple. Il pointe aussi le fait que la plupart des baux de logements ont un clause indiquant qu’il est interdit, au risque d’être expulsé, d’enfreindre une loi fédérale dans l’appartement, hors la consommation de cannabis reste interdit au niveau fédéral. C’est absurde et dangereux, nous disent ces amoureux et militants, et c’est pour cela qu’ils continuent à se battre pour améliorer la loi.

Dans le fumoir, ils appellent ça un « lounge », on voit s’installer des stands qui font des démonstrations de leurs produits pour 420. On trouve toutes sortes de pens, sorte de vapos à huile, de vapos ou de gommes à mâcher. Toutes les herbes tapent dans les 20% de THC minimum, it’s all about getting HIGH, ça nous fatigue un peu, on décide d’aller à un autre dispensaire.

Après un peu de métro et un peu de marche, on arrive à The Green Cross. Sur le trottoir devant, des petits stands proposent à boire et à manger aux clients et aux passants. C’est jour de fête, y’a des ballons et pas mal de passage. L’intérieur de la boutique est bondée, mais Michael et David ont leurs entrées. Ils ouvrent une porte et on monte au salon du premier étage.

Kevin, le fondateur, nous reçoit. Les fauteuils sont larges et en cuir noir, la table basse recouverte de grindr, de cendriers, de rouleurs, de fleurs, la télé montre les caméras de surveillance (que Sœur Pupuce trouve plus intéressante que Game of Thrones).

 

Il a ouvert The Green Cross en 2004 car il trouvait que l’herbe était trop chère et d’une qualité trop aléatoire. Il souffre de douleurs chroniques suite à une accident, il avait besoin d’être certain d’avoir accès à la bonne variété pour le bon prix.
La particularité de The Green Cross est d’être constituée en association à but non lucratif. Tout le profit est réinjecté dans l’association.
Elle s’est également distingué par son travail militant autour du cannabis thérapeutique et en faveur des droits des patients.
Je relève aussi la forme d’engagement sociale de The Green Cross dont l’un des but affichés est de pourvoir en emplois son environnement proche, et de participer ainsi à la vie et à la sécurité du quartier, créant du lien avec les habitants.

 

Kevin n’a pas voté pour la légalisation du cannabis récréatif. Il trouve la loi mal faite, bâclée, offrant le champ libre aux grosses entreprises et ne laissant quasiment aucune chance aux plus petits commerces qui voudraient émerger. Il note combien de personnes ont tenté l’aventure et se sont cassés les dents.
Il est blasé, il a de quoi. The Green Cross a dépensé plus de 70 000 dollars pour obtenir les licences et autorisations nécessaires. Et ils n’ont toujours pas les papiers définitifs, il faudra sûrement débourser encore et attendre avant de savoir s’ils pourront continuer ou s’ils devront fermer.

Adieu les belles idées de coopératives, l’incitation à l’auto-production, au partage, à la solidarité, toutes les valeurs qui sont liés au mouvement pro-cannabis sont toutes passées à la trappe.
Il est possible de faire pousser jusqu’à 6 plantes chez soi, mais les graines sont très contrôlés et il faut passer par des banques de graines.

On se console en allumant des pures qu’on se fait tourner. Ça tourne sec à l’américaine, tu prends une taffe et tu passes à ton voisin. Avec Pupuce, on ne sait plus où donner du poumon. T’en lâches un à droite, t’en as deux qui t’arrive par la gauche.

On se rend compte qu’on est tout à côté des archives des Sœurs, on décide alors de faire quelques emplettes pour soutenir ce beau projet qu’est The Green Cross, on embrasse Michael, David et Kevin et on s’envole.

 

Après la visite aux archives, j’ai voulu tenter le saut au Golden Gate Park mais hélas, il était déjà l’heure d’enfiler une robe rouge pour la Red Dress Party sur un bateau dans la baie.

 

Demain, c’est la grande célébration de Pâques et donc de l’anniversaire des Sœurs, dans Dolorès Park et ensuite, je vais filer me reposer dans le nord de la Californie. Ça promet d’être perché, je vous raconte ça très vite <3

Des bisous tous fleuris

 

Sœur Rose de la Foie

Auteur: Philippe Sérié

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