Elles soulagent leur douleur grâce au cannabis médical

Amélie et Sandra, atteintes de maladies extrêmement douloureuses et handicapantes (©Amélie Ribeiro Dias / Sandra Rey)

« Il me permet de vivre sans hurler en permanence » : elles soulagent leur douleur grâce au cannabis médical

Le 19 mars, le gouvernement a prolongé « la prise en charge du cannabis médical pour les patients encore sous traitement » jusqu’au 31 mars 2026.

« Ce traitement m’a sauvée. » Amélie, Sandra et Louise* ne se connaissent pas, ne se croiseront sans doute jamais, mais ont une chose en commun : elles souffrent de maladies graves, invalidantes et extrêmement douloureuses, pour lesquelles il n’y a pas de traitement.

Elles participent à l’expérimentation de l’usage médical du cannabis, prolongée in extremis jusqu’au 31 mars 2026. Pour elles, le cannabis thérapeutique est une alternative vitale, qui a considérablement apaisé leurs maux.

« C’est le seul traitement qui fonctionne sur moi »

« Je n’ai plus de douleurs et plus de crises », témoigne auprès d’actu.fr Amélie, 29 ans, originaire de Tarbes. Elle souffre depuis l’enfance d’une syringomyélie, une maladie neurodégénérative rare caractérisée par la formation anormale d’une ou plusieurs cavités à l’intérieur de la moelle épinière. Cette affection touche environ huit personnes sur 100 000.

Quotidiennement, elle subit des douleurs aiguës et des brûlures dans le haut du corps, tandis que son bras droit est fortement endommagé. Elle souffre aussi d’allodynie, une douleur déclenchée par une stimulation habituellement indolore telle qu’un effleurement ou encore des gestes aussi anodins que se brosser les cheveux.

J’ai déjà prié un bon nombre de fois pour ne pas me réveiller le lendemain matin.

Amélie 29 ans

Après une errance médicale de plus de 10 ans, elle enchaîne les traitements, qui se révèlent inefficaces. « Ça ne soulageait que 20 % de ma douleur… Ce n’est rien quand on vit un calvaire. »

Alors, quand son neurologue lui propose d’intégrer le protocole thérapeutique, en octobre 2021, l’espoir d’une vie sans douleur renaît pour Amélie.

Trois fois par jour, au moment des repas, elle prend quelques gouttelettes de deux huiles de cannabis prescrites par son médecin. La première est minorée en THC (tétrahydrocannabinol) et la seconde contient à part quasi égale du THC et du CBD (cannabidiol).

C’est le seul traitement qui fonctionne sur moi. Je suis soulagée à hauteur de 80% de mes douleurs. Je retravaille, refais du sport… Bref, je revis un peu près comme tout le monde.

Amélie 29 ans

Une douleur lancinante, du matin au soir

Amélie n’est pas la seule à subir la douleur au quotidien. Sandra, 53 ans, originaire de Nîmes, est atteinte d’une névralgie pudendale. Causée par la compression d’un nerf, cette maladie très invalidante peut provoquer des sensations de brûlures intenses entre les cuisses, de décharges électriques fulgurantes, de pincements profonds, de picotements ou encore de tiraillements.

Elle touche aux parties du corps les plus intimes, celles contrôlées par le nerf pudendal, allant de la verge ou du clitoris jusqu’à l’anus. « Je souffre du matin au soir, 365 jours par an », confie-t-elle. La douleur, aggravée par la position assise, oblige Sandra à vivre essentiellement allongée.

Sandra aussi suit un traitement à base de cannabis médical. Elle a intégré le protocole thérapeutique en janvier 2022, avec des doses très progressives. Aujourd’hui, elle prend 0,8 ml le matin et le soir, sous forme d’huile, et est suivie de près par un algologue, qui lui prescrit tous les mois une nouvelle ordonnance.

Le cannabis médical me permet de moins souffrir, mais ne me permet pas de ne pas souffrir du tout.

Sandra 53 ans

Louise, quant à elle, est atteinte d’une sclérose en plaques secondairement progressive. Elle souffre de raideurs, qui provoquent des contractures musculaires très invalidantes et douloureuses. Ce symptôme complique le mouvement, le maintien de la posture, l’équilibre, et rend difficile le passage « assis/debout ».

C’est elle qui a convaincu son médecin de l’inscrire en mars 2022 dans le protocole thérapeutique. Elle prend 1,5 ml d’huile de cannabis le matin et 3,5 ml le soir, au coucher. « Mes douleurs sont dix fois moins intenses », constate-t-elle.

Une expérimentation arrêtée puis relancée

L’usage médical du cannabis fait l’objet d’une expérimentation en France depuis mars 2021. Jugeant qu’elle avait porté ses fruits, les parlementaires ont voté fin 2023 des mesures qui devaient permettre la commercialisation de traitements à base de cannabis.

Mais ces dispositions ne sont jamais entrées en vigueur. Pire, en décembre 2024, le gouvernement Barnier a décidé d’arrêter brutalement l’expérimentation, laissant dans le plus grand désarroi les quelque 1 600 patients qui en bénéficient en France.

« J’avais envisagé de partir en Belgique pour une fin de vie », confie la nîmoise Sandra. « On veut nous enlever la seule chose qui nous permet de vivre sans hurler en permanence », renchérit Louise, atteinte de la sclérose en plaques.

Après plusieurs semaines de tergiversations, et beaucoup d’inquiétudes de la part des malades inclus dans le protocole, le ministre de la Santé Yannick Neuder a finalement décidé de relancer le processus réglementaire le 19 mars dernier, prolongeant de facto l’accès aux médicaments jusqu’au 31 mars 2026.

« C’est une bonne nouvelle », a réagi auprès d’actu.fr Nicolas Authier, médecin psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand et président du comité scientifique de l’ANSM.

Il faut savoir que le cannabis médical s’adresse à des patients qui sont en impasse thérapeutique. Autrement dit, ils ont déjà tout essayé et il n’y a pas d’alternative. Sans leur traitement, ils retrouvent leurs souffrances initiales. C’est une situation très angoissante pour eux.

Nicolas Authier

Médecin psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand et président du comité scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

Vers une généralisation du cannabis en 2026 ?

L’annonce faite par le ministère de la Santé marque donc une avancée vers la généralisation du cannabis médical, mais les patients préfèrent rester prudents. « On nous balade depuis plusieurs années… Tant que l’on n’aura pas un ‘oui’ définitif, on ne sera pas sereins », regrette Amélie, touchée par la syringomyélie.

Après la notification par la France des textes réglementaire auprès de la Commission européenne, les experts estiment qu’il faut au moins compter six mois pour envisager l’arrivée concrète de traitements.

« Sa généralisation pourrait prendre effet d’ici à la fin 2025, ou début 2026 », espère le médecin psychiatre Nicolas Authier. Il reste à discuter du prix des médicaments et des possibilités de remboursement avec la Haute autorité de santé (HAS), « et cela demande un peu de temps », ajoute-t-il.

Quid des autres malades ?

Malgré la poursuite de l’expérimentation thérapeutique, le spécialiste déplore toutefois qu’il ne soit pas ouvert à d’autres malades. Depuis le 27 mars 2024, aucun nouveau patient ne peut entrer dans l’expérimentation.

« Certains patients ne pourront pas attendre. Ils souffrent de cancer ou sont en situations palliatives, engageant parfois leur pronostic vital », regrette Nicolas Authier.

Une situation également décriée par Sandra, dont la sœur jumelle souffre d’une névralgie faciale. « Elle n’a pas encore pu intégrer le protocole puisqu’elle n’est pas qualifiée de réfractaire à tout traitement comme moi », se désole-t-elle.

Casser les préjugés

Autre gros chantier à mener selon Amélie, Sandra et Louise : changer la perception du cannabis médical, catalogué à tort comme une drogue. « Ça n’a aucun effet secondaire, psychotrope ou de manque », assure Louise. « Non, le médicament que je prends ne me fait pas voir des éléphants roses, poursuit Sandra. C’est très dosé. »

Un rapport émis le 20 novembre 2023 par la Direction générale de la santé démontre que les effets indésirables observés lors de l’expérimentation étaient attendus, et la proportion d’effets indésirables graves est plutôt faible, autour de 5 %.

Par ailleurs, ce rapport révèle qu’environ 30 à 35 % des patients issus du protocole en retirent un bénéfice significatif, c’est-à-dire une amélioration de leurs symptômes et de leur qualité de vie. « Ce sont des médicaments comme les autres », ajoute le professeur Nicolas Authier.

Lorsque l’on a donné accès à la morphine en France, on n’a pas légalisé l’opium (la morphine est extraite de l’opium, ndlr). C’est la même chose pour le cannabis médical.

Nicolas Authier

Médecin psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand et président du comité scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

En Europe, 22 pays ont déjà donné accès au cannabis médical, comme l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, le Portugal ou l’Espagne. Toutefois, les conditions de délivrance varient d’un pays à l’autre : en République tchèque et en Allemagne, les patients peuvent être remboursés, tandis que dans d’autres pays comme la Suisse, le coût est entièrement à la charge du patient.

*le prénom a été modifié

Source : actu.fr

Publié le 29/03/2025

Auteur: Principes Actifs 1

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