Dans un podcast de Subsistence Crop sur le site cannabisstudieslab.com, le Dr Ethan Russo s’exprime sur l’importance de préserver les génétiques locales face aux contraintes de la légalisation et des normes industrielles .
Le Dr Ethan Russo est un neurologue certifié, chercheur en psychopharmacologie et auteur. Il est le fondateur et PDG de credo-science.com et le créateur du cours Foundations of Cannabis Therapeutics avec le Dr Ethan Russo : un cours d’éducation sur le cannabis médical basé sur des preuves .
Diplômé de l’Université de Pennsylvanie (psychologie) et de la faculté de médecine de l’Université du Massachusetts. Il a été neurologue clinicien à Missoula, dans le Montana, pendant 20 ans, dans un cabinet où la douleur chronique était fortement présente. En 1995, il a pris un congé sabbatique de 3 mois pour faire de la recherche ethnobotanique avec le peuple Machiguenga dans le parc national du Manu, au Pérou.
Il a occupé des postes de professeur en sciences pharmaceutiques dans plusieurs universités. Il a également publié de nombreux chapitres d’ouvrages et plus de cinquante articles sur la neurologie, la gestion de la douleur, le cannabis et l’ethnobotanique. Ses intérêts de recherche incluent les corrélations entre les utilisations historiques du cannabis et les mécanismes pharmacologiques modernes, le traitement phytopharmaceutique de la migraine et de la douleur chronique, la synergie à base de plantes et les interactions phytocannabinoïdes/terpénoïdes, sérotoninergiques et vanilloïdes.
Comme le Dr Ethan Russo l’explique: » Je me suis très vite passionné pour l’étude du cannabis dans toute sa complexité. C’est-à-dire ses divers effets pharmacologiques, mais aussi sa culture, la façon dont on le cultive et, bien sûr, les aspects médicinaux de ce que le cannabis nous a appris sur le fonctionnement de notre propre physiologie. Ce qu’on appelle le système endocannabinoïde, le système cannabinoïde de notre corps, qui contribue à expliquer pourquoi le cannabis est si polyvalent dans le traitement de tant de maladies qui ne sont pas bien traitées par la médecine conventionnelle. C’était il y a 27 ans maintenant, mais on ne s’ennuie jamais. »
Pionnier des propriétés curatives du cannabis, il s’exprime sur l’héritage génétique, de l’importance de préserver différents types de combinaisons génétiques.
Dans un premier temps il fait un petit rappel historique sur l’utilisation du cannabis comme culture de subsistance.
Certaines des premières références au cannabis concernaient une céréale, notamment en Chine, qui était considérée comme l’une des cinq principales cultures de l’Antiquité. La même chose était vraie en Europe, en particulier en Europe de l’Est, beaucoup de gens consommaient des graines de chanvre dans leur porridge. Et de préciser que ce type d’alimentation n’était pas destinée spécialement aux classes supérieures, mais plutôt aux plus pauvres qui en consommaient pour survivre.
Car le Dr Ethan Russo rappelle que le cannabis est l’une des meilleures sources de protéines et d’acides aminés dont l’organisme a besoin. Le cannabis est aussi une huile de haute qualité, notamment de l’acide gamma-linolénique, qui est un acide gras essentiel. Donc sans processus d’extraction comme pour toute plante oléagineuse , vous l’obtenez à partir de votre alimentation et il existe très peu de sources. L’une d’entre elles est le lait maternel. On le trouve également dans les graines de bourrache, d’onagre ainsi que dans les graines de chanvre. Le chanvre était donc considéré comme une céréale essentielle à cette époque.
Ainsi pour parler d’héritage génétique, le Dr Ethan Russo s’exprime sur les races locales: » Une race locale est un type de cannabis qui a été cultivé dans son environnement local pendant une longue période, je veux dire des générations, de sorte qu’il s’est habitué à sa niche écologique. Il peut faire face aux maladies et aux parasites qui peuvent être présents dans une zone donnée. Mais cela s’étend également aux effets du cannabis. De toute évidence, du moins dans le passé, le cannabis provenant de différentes régions géographiques avait des caractéristiques aussi très variées. »
“Pour le meilleur ou pour le pire, je dirais que notre industrie du cannabis est devenue très homogène dans la mesure où la Californie et Amsterdam sont à l’origine des génétiques qui se sont répandues dans le monde entier. Et pour utiliser ce terme à bon escient, ces génétiques ont supplanté les variétés locales dans des endroits comme la Jamaïque, le Maroc, et même en Asie du Sud-Est, de sorte que dans beaucoup de ces endroits, on ne trouve plus les variétés originales. Et cela soulève une sérieuse question : qu’avons-nous perdu ? Souvent, cela signifie que nous avons perdu des variétés de cannabis présentant une résistance adéquate aux maladies.”
« Mais cela s’étend aussi aux effets. Si vous parlez à des personnes âgées comme moi, ils seront souvent nostalgiques à propos du cannabis du passé et des effets qu’ils ne trouvent plus aujourd’hui. »
Il parle ainsi de la tendance à augmenter la concentration en THC ou en myrcène au détriment de cannabinoïdes plus diversifiés. Cette tendance qui pousse les gens à « rester bloqués dans le canapé » et qui n’est pas forcément l’effet que la plupart des personnes recherchent vraiment.
« Vous savez, quand j’étais un véritable consommateur de cannabis, j’aimais ce produit pour sa capacité à m’aider à faire une introspection ou à communier avec la nature, ou à découvrir des choses dans la musique que je n’avais jamais entendue auparavant. Ou à penser différemment. »
Et d’ajouter : »Une grande partie du haschisch que j’aimais tant provenait du Liban ou d’Afghanistan et c’était une combinaison 1:1 de THC et de CBD. Et dans ces pays, on n’a plus vu cela depuis 10 ou 15 ans. Encore une fois, la sélection était axée sur les taux élevés de THC et de CBD . »
“C’est donc assez différent. Et puis le reste dépend de la teneur en terpénoïdes. Pour les personnes qui ne sont pas familières avec ce sujet, les terpénoïdes sont des composants de l’huile essentielle qui donnent au cannabis ses arômes et ses goûts distinctifs, mais qui influencent aussi grandement le high. J’ai déjà mentionné le myrcène, qui est très sédatif avec le THC. Mais avec d’autres composants comme l’alpha-pinène, cela donne un high clair, ainsi quelqu’un peut être très high, mais cette personne peut toujours se concentrer et ne pas perdre le fil de ses pensées aussi facilement.”
“S’il y avait du linalol, cela aurait un effet calmant. S’il y avait du limonène, qui est l’odeur des agrumes, cela donnerait un high très lumineux et joyeux. Donc, tous ces éléments influencent l’expérience. Et encore une fois, avec cette homogénéisation où tout est THC et myrcène, c’est une sorte d’expérience unidimensionnelle.”
Ainsi donc chaque race locale avait des variations chimiques différentes. C’est pourquoi il est plus juste de parler de chémotype que de sativa ou d’indica qui pour lui n’ont aucune validité scientifique . Un chémotype est une entité chimiquement distincte dans une plante avec des différences dans la composition des métabolites secondaires . Des changements génétiques et épigénétiques mineurs avec peu ou pas d’effet sur la morphologie ou l’anatomie mais qui peuvent produire de grands changements dans le phénotype chimique.
Aussi dans l’interview, il lui est demandé de présenter cannabigérol .
« J’aime l’appeler la mère de tous les cannabinoïdes parce que dans la synthèse des autres cannabinoïdes, il y en a 150 qui ont été identifiées dans le cannabis, c’est lui qui est le premier. »
Le CBG résulte de la décarboxylation de l’acide cannabigérolique, la molécule mère qui sert de base à la synthèse d’autres cannabinoïdes tels que le CBD et le THC.
« Dans la plupart des plantes, ça ne s’arrête pas là. C’est une sorte d’autoroute à haut débit vers les autres cannabinoïdes, le plus souvent le THC et le CBD. Mais dans certaines plantes, il y aura une accumulation de CBG. Ou, dans les plantes qui n’ont pas l’équipement enzymatique pour aller plus loin, elles ne produiront que du CBG. Dans tous les cas, ses effets sont très intéressants. Ce n’est donc pas un cannabinoïde intoxicant comme le THC. Il ne fait donc pas planer. Cependant, il a un effet anxiolytique très profond, sans être sédatif. Et sans être addictif. Il est donc tout à fait différent des médicaments qui sont généralement utilisés pour traiter l’anxiété, qui ont ces inconvénients d’être très sédatifs ou addictifs.
Le Valium et les autres benzodiazépines en sont un exemple évident. Les personnes qui en prennent peuvent être efficaces, mais elles sont sous sédatif et il peut être extrêmement difficile et dangereux de les arrêter. C’est donc une tout autre histoire. De plus, le CBG a été utilisé avec succès chez des personnes souffrant de diverses pathologies, en particulier de pathologies douloureuses. De plus, il a un effet antibiotique très prononcé. Il existe actuellement des médicaments et des traitements en cours de développement qui incorporeront le CBG comme composant dans le traitement des bactéries résistantes aux antibiotiques. »
Ensuite, le docteur répond aux questions sur le développement du cannabis médical aux Etats-Unis et dans le monde.
Il revient aussi sur les races locales en rappelant que les mouvements initiaux pour légaliser l’usage médical du cannabis étaient aussi soucieux de préserver le patrimoine génétique de la plante. Avec la légalisation et l’industrie pharmaceutique, les normes et la production synthétique, les choses ont bien changé.
La totalité de l’interview est à retrouver ici :
https://cannabisstudieslab.com/subsistence-crop/subsistence-crop-episode-1