Le cannabis devient plus accessible pour 100’000 patients en Suisse

La Chambre basse du parlement suisse a approuvé une modification législative qui facilite l’accès aux traitements à base de cannabis. Le cannabis à usage médical est légal en Suisse et dans de nombreux pays européens. Ce contenu a été publié le 09 décembre 2020 – 11:54 09 décembre 2020

Il y a deux bonnes nouvelles pour ceux qui ont recours au cannabis pour soulager des douleurs chroniques et des spasmes musculaires.

La première vient de la Commission pour les stupéfiants des Nations unies qui a décidé, le 2 décembre, de retirer la marijuana à usage médical de la liste des drogues les plus dangereuses au monde. Un pas qui «ouvre de nouvelles perspectives quant à son utilisation en médecine», commente le Groupement romand d’études des addictions (GREA).

La seconde bonne nouvelle, plus récente, est venue du parlement suisse. Mardi, une majorité nette du Conseil national (Chambre basse) a approuvé la modification de la Loi fédérale sur les stupéfiants présentée par le gouvernement et qui facilite l’accès aux traitements à base de cannabis.

La révision, qui doit encore être examinée par le Conseil des États – le «sénat» suisse – prévoit que les médecins pourront prescrire des médicaments à base de cannabis sans devoir demander une autorisation exceptionnelle auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Une telle procédure peut demander jusqu’à trois à quatre semaines et, aux yeux du gouvernement, elle n’est plus adaptée, compte tenu du nombre croissant de demandes.

Les médecins seront cependant tenus d’annoncer les traitements et de transmettre les données correspondantes à l’OFSP, afin d’examiner les effets de la modification de loi et de contrôler la pratique dans le cadre de la prescription.

3000 autorisations par année

Le cannabis est interdit en Suisse depuis 1951. Une utilisation contrôlée de la plante à des fins médicales est toutefois permise. Le cannabis thérapeutique est légal en Suisse et dans une bonne partie des États membres de l’Union européenne, comme on peut le remarquer sur cette carte.

En 2019, l’OFSP a délivré environ 3000 autorisations, soit pratiquement le double qu’en 2015. Les personnes en Suisse qui recourent à des médicaments à base de cannabis sont toutefois beaucoup plus nombreuses: environ 100’000, selon des enquêtes nationales.

La majeure partie des patients se procure donc le cannabis illégalement, en le cultivant ou en se fournissant sur le marché noir, indique l’Association suisse pour le cannabis thérapeutique (Medcan).

Un remède à potentiel élevé, mais pas miraculeux

Le chanvre peut réduire les spasmes musculaires causés par la sclérose en plaques, les crampes, les douleurs chroniques comme la migraine et, selon certains tests effectués en laboratoire, il aiderait également à combattre les cellules cancéreuses, explique Rudolf Brenneisen, cofondateur de la Société suisse pour le cannabis en médecine (SSCM) et ancien consultant du Laboratoire des stupéfiants des Nations Unies, dans une interview à swissinfo.ch.

Il ne s’agit toutefois pas d’un remède miracle et une grande partie de son potentiel doit encore être confirmée par des essais cliniques à grande échelle, souligne Rudolf Brenneisen.

Actuellement, cinq préparations de cannabinoïdes sont disponibles en Suisse, dont une teinture de cannabis et un médicament produit avec du THC synthétique, le principe actif psychotrope de la plante.

Cultures privées interdites

Au Parlement, la Chambre basse a rejeté les dispositions plus restrictives préconisées par la droite, comme l’interdiction pour les médecins de prescrire des médicaments à base de cannabis destinés à être fumés.

Selon Medcan, l’inhalation de cannabis représente pour certains patients «la meilleure forme d’absorption», car l’effet se manifeste rapidement. La vaporisation est en principe préférable à un joint, même si certains patients ont pris du plaisir à en fumer, souligne-t-il.

Les députés ont également rejeté la proposition de la gauche d’autoriser la culture privée de chanvre pour la consommation à des fins médicales et sous la surveillance d’un médecin.

Pour Medcan, cependant, cette possibilité serait essentielle pour permettre aux patients d’avoir «du cannabis de bonne qualité à un prix abordable». Un traitement au cannabis peut en effet coûter plusieurs centaines de francs par mois et n’est pas remboursé par l’assurance maladie obligatoire, regrette l’association.

Cependant, le ministre de la Santé Alain Berset a annoncé que des évaluations sur l’efficacité des thérapies à base de cannabis sont en cours. Lorsque les résultats seront disponibles, une décision sera prise quant à savoir si l’assurance maladie de base doit prendre ces coûts en charge.

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Source : swissinfo.ch

Auteur: Philippe Sérié

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